Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
traverser la Niobrara de force, exactement comme si nous étions un troupeau de chevaux. Ils nous ont poussés jusqu’à la Platte. »
Howard tint un journal des cinquante et un jours que dura le voyage par voie de terre. Le matin du départ, un orage soudain fit gonfler les eaux de la Niobrara, et plusieurs soldats furent désarçonnés par la force du courant. Au lieu de les laisser se noyer, les Poncas les secoururent. Le lendemain, la tribu s’arrêta pour enterrer dans la prairie un enfant qui venait de mourir. Le 23 mai, un orage surprit le groupe à découvert. Les Indiens passèrent la journée trempés jusqu’aux os. Un autre enfant mourut. Plusieurs Poncas tombèrent malades au cours de la nuit. Le lendemain, il fallut traverser des rivières à gué parce que les ponts avaient été emportés par les flots. Il se mit à faire froid. Le 26, il plut toute la journée, et comme il n’y avait pas de bois, le groupe ne put pas faire de feu.
Le 27 mai, la plupart des Poncas étaient malades. La fille de Standing Bear, Prairie Flower, avait contracté une pneumonie. Le jour suivant, orages et pluies diluviennes empêchèrent pratiquement toute progression, la piste étant trop boueuse.
Arriva la Lune-où-il-commence-à-faire-chaud. Il pleuvait presque tous les jours. Le 6 juin, Prairie Flower décéda. Standing Bear l’enterra selon les rites chrétiens dans le cimetière de Milford (Nebraska). « Les dames de Milford préparèrent le corps avec un soin digne de la plus haute des civilisations, nota Howard avec fierté. Standing Bear en vint à dire à ceux qui l’entouraient au bord de la tombe qu’il souhaitait renoncer à ses coutumes indiennes et adopter celles des Blancs. »
Cette nuit-là, une tornade frappa le campement ponca, détruisant les tentes, renversant les chariots et projetant les hommes sur des dizaines de mètres. Plusieurs furent grièvement blessés. Le lendemain, un autre enfant mourut.
Le 14 juin, le groupe atteignit la réserve des Otoes qui, apitoyés par le sort des Poncas, leur donnèrent dix chevaux pour finir leur périple. La tribu attendit trois jours que le niveau des rivières baisse. Et pendant ce temps, les maladies firent de plus en plus de ravages. Little Cottonwood fut le premier adulte à mourir. Howard lui fit faire un cercueil et organisa des funérailles chrétiennes près de Bluewater (Kansas).
Le 24 juin, il y avait tellement de malades qu’Howard demanda au médecin de Manhattan (Kansas) de s’occuper des Poncas. Le jour suivant, deux femmes moururent sur le chemin. L’agent veilla à ce qu’elles soient enterrées comme il convenait.
Nous étions maintenant au milieu de la Lune-d’été. À Burlington (Kansas), il fallut enterrer l’un des enfants de Buffalo Chief. Pris de folie furieuse, un Ponca du nom de Buffalo Track tenta de tuer White Eagle, qu’il tenait pour responsable des malheurs de la tribu. L’agent l’exclut de la caravane et l’expédia vers la réserve omaha, châtiment des plus enviables aux yeux des autres Indiens.
Le groupe dut endurer la chaleur de l’été et le harcèlement des mouches une semaine encore avant d’arriver enfin, trempé par l’orage, sur la réserve quapaw le 9 juillet. Là, ils retrouvèrent les quelques Poncas qui les y avaient précédés et vivaient misérablement sous des tentes.
« Je suis d’avis que forcer les Poncas à quitter le Dakota et sa fraîcheur nordique pour le climat du sud du Territoire Indien s’avérera une erreur, et se traduira certainement par une importante mortalité chez ce peuple au bout de quelque temps, quand il aura été empoisonné par la malaria qui sévit sous ces latitudes. »
La sinistre prédiction d’Howard devait hélas se réaliser. Comme les Modocs, les Nez-Percés et les Cheyennes du Nord, les Poncas succombèrent si rapidement qu’à la fin de leur première année dans le Territoire Indien, c’était presque un quart de la tribu qui avait eu les honneurs d’un enterrement selon les rites chrétiens.
Au printemps 1878, des représentants du gouvernement décidèrent de leur octroyer une nouvelle réserve sur la berge ouest de l’Arkansas River, sans toutefois prévoir les fonds nécessaires à leur transfert. Les Poncas durent donc parcourir deux cent cinquante kilomètres à pied. Pendant plusieurs semaines, aucun agent ne fut là pour leur distribuer des vivres ou des médicaments. « La terre était bonne, explique White Eagle, mais
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