Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
homme de la Frontière un peu rude qui avait quatre centres d’intérêt dans la vie – les bons bouquins, les chevaux, la chasse et son travail de juge. Or, il était parti à la chasse à l’ours. Les avocats des Poncas passèrent des heures d’attente angoissante avant que des messagers le dénichent enfin et le ramènent à Omaha.
Avec l’accord tacite de Crook, Dundy émit un ordre d’habeas corpus à l’encontre du général, exigeant qu’il amène les Poncas au tribunal et montre quel pouvoir lui donnait le droit de les retenir prisonniers. Crook s’exécuta et présenta les ordres militaires en provenance de Washington. Le représentant du ministère public expliqua alors au juge que les Poncas ne pouvaient bénéficier de l’ habeas corpus, étant donné que les Indiens n’étaient « pas des personnes au sens juridique du terme ».
Ainsi, le 18 avril 1879, commença une affaire maintenant pratiquement oubliée, Standing Bear v. Crook. Selon Webster et Poppleton, les avocats des Poncas, un Indien était une « personne » au même titre qu’un Blanc et pouvait jouir de toutes les libertés garanties par la Constitution. Au procureur qui déclarait que Standing Bear et les siens tombaient sous le coup des lois et règles établies par le gouvernement pour les tribus indiennes, Webster et Poppleton répondirent que Standing Bear, ou n’importe quel autre Indien, avait le droit de quitter sa tribu et de se placer sous la protection des lois américaines, comme tout citoyen.
L’affaire atteignit son point culminant lorsque Standing Bear fut autorisé à s’exprimer au nom de son peuple. « Je suis en ce moment avec les soldats et les officiers. Je veux retourner chez moi dans le Nord. Je veux sauver ma vie et celle de ma tribu. Frères, c’est comme si je me retrouvais devant un grand feu de prairie. Dans ce cas, je prendrais mes enfants et je courrais les mettre à l’abri. Ou bien, si j’étais sur la berge d’une rivière en crue, j’emmènerais les miens quelque part sur les hauteurs. Oh, frères, le Tout-Puissant me regarde et sait ce que je suis, et il m’entend. Puisse-t-il envoyer un bon esprit planer au-dessus de vos têtes, frères, afin que vous acceptiez de m’aider. Si un Blanc avait une terre, et que quelqu’un la lui volait, il voudrait la reprendre, et vous le comprendriez parfaitement. Regardez-moi. Ayez pitié de moi. Aidez-moi à sauver la vie de toutes ces femmes et de tous ces enfants. Frères, un pouvoir contre lequel je ne peux rien faire me cloue au sol. J’ai besoin d’aide. J’ai dit. »
Le juge Dundy déclara qu’un Indien était une « personne » à laquelle s’appliquait la loi d ’habeas corpus, que s’établir à l’étranger était un droit naturel, inhérent et inaliénable pour les Indiens aussi bien que pour les Blancs, et qu’en temps de paix nul n’était investi d’une quelconque autorité, militaire ou civile, justifiant le transport des Indiens d’un point à l’autre du pays sans leur consentement, ou leur confinement sur une réserve contre leur gré.
« Jamais je n’ai été amené à travailler sur une affaire qui éveillait chez moi autant de compassion, poursuivit le juge. Les Poncas comptent parmi les tribus indiennes les plus paisibles et amicales qui soient. (…) S’il était possible de les forcer à aller dans le Territoire Indien, alors rien n’empêchait de les emprisonner au pénitencier de Lincoln, de Leavenworth, de Jefferson City, ou de toute autre ville que le commandant des forces armées aurait jugé appropriée. Je ne pense pas qu’il existe dans ce pays un autre pouvoir aussi arbitraire que celui-là. »
Lorsque le juge Dundy conclut les débats en ordonnant la libération de Standing Bear et des Poncas, le public se leva et, si l’on en croit un journaliste, « jamais on n’avait entendu une telle clameur enthousiaste dans un tribunal ». Le général Crook fut le premier à féliciter Standing Bear.
Le représentant du ministère public envisagea tout d’abord de faire appel de la décision, mais après avoir étudié le jugement de Dundy (un texte magistral sur les droits de l’homme), il renonça. Le gouvernement des États-Unis attribua à Standing Bear et aux siens quelques hectares de terres non occupées près du confluent de la Niobrara et du Missouri. Ainsi, les Poncas rentrèrent chez eux.
Dès que les cinq cent trente membres de la tribu confinés sur le Territoire Indien
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