Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
canadienne. Ce sont tous des menteurs. On ne peut rien croire de ce qu’ils disent. » Seule l’insistance de MacLeod, qui espérait bien se débarrasser de Sitting Bull, eut raison des réticences du chef hunkpapa, qui finit par aller à Fort Walsh le 17 octobre pour un conseil.
Terry prononça un petit discours d’ouverture. « Cette bande dont tu es le chef, dit-il à Sitting Bull, est la seule à ne pas s’être rendue. (…) Nous avons parcouru des centaines de kilomètres pour t’apporter ce message du Grand Père qui, ainsi que nous te l’avons déjà dit, désire vivre en paix avec tous. Trop de sang indien et blanc a été versé déjà. Il est temps que ce carnage cesse.
— Que nous veux-tu ? rétorqua Sitting Bull. Nous n’avons rien fait. Ce sont tous ces gens de ton côté qui nous ont poussés à commettre ces déprédations. Nous n’avions nulle part ailleurs où aller, alors nous nous sommes réfugiés ici. (…) J’aimerais savoir pourquoi tu es venu. (…) Tu viens nous raconter des mensonges. Nous n’en voulons pas. Je refuse qu’on me tienne ce genre de langage, c’est-à-dire qu’on me mente de la sorte dans la maison de ma Grand-Mère [la reine Victoria]. Plus un mot, je te prie. Rentre là d’où tu viens. (…) Le territoire que tu m’as donné, tu m’en as chassé. Je suis venu vivre ici avec ces gens, et j’ai l’intention de rester. »
Sitting Bull laissa alors s’exprimer plusieurs de ses partisans, dont un Santee et un Yankton qui avaient rejoint son groupe. Leurs déclarations allèrent dans le même sens que les siennes. Puis il fit quelque chose de totalement inhabituel : il invita une femme, The-One-Who-Speaks-Once, à participer au conseil, ce qui, d’après certains Indiens, était une façon délibérée d’insulter Terry. « J’ai vécu dans ton pays, dit The-One-Who-Speaks-Once au général. Je voulais y élever mes enfants, mais tu ne m’en as pas donné le temps. Je suis venue ici pour élever mes enfants en paix. C’est tout ce que j’ai à te dire. Je veux que tu rentres là d’où tu viens. Voici les gens parmi lesquels je compte rester et élever mes enfants. »
Une fois le conseil terminé, Terry comprit qu’il était inutile d’insister. Son dernier espoir était le commissaire MacLeod, qui accepta d’expliquer au chef hunkpapa la position du gouvernement canadien à son égard. Le gouvernement de la Reine, dit-il à Sitting Bull, le considérait comme un Indien américain réfugié au Canada, et non comme un Indien canadien. « Tu ne dois rien attendre du gouvernement de Sa Majesté, sauf sa protection tant que toi et tes frères vous comporterez convenablement. Votre seul espoir, c’est le bison, et cette ressource va disparaître dans peu de temps. Vous ne devez pas franchir la frontière avec des intentions hostiles. Sinon, vous aurez pour ennemis non seulement les Américains, mais également la police montée et le gouvernement britannique. »
Mais rien de ce que dit MacLeod ne put faire changer d’avis Sitting Bull. Il resterait dans le pays de la Grand-Mère.
Le lendemain matin, Terry reprit la route des États-Unis. « La présence à proximité de la frontière de ce groupe important d’indiens qui font preuve d’une franche hostilité à notre égard est une menace permanente pour la paix de nos territoires indiens. »
Sitting Bull et les autres exilés hunkpapas restèrent quatre ans au Canada, et si le gouvernement de ce pays s’était montré plus coopératif, ils auraient probablement fini leurs vieux jours dans les plaines du Saskatchewan. Mais dès le début, le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté considéra Sitting Bull comme un élément potentiellement perturbateur, ainsi qu’un invité coûteux, étant donné le nombre de policiers chargés de le surveiller. Parfois, il faisait même l’objet de plaisanteries au Parlement canadien. Par exemple, le 18 février 1878, un membre de la Chambre des Communes demanda à combien se chiffraient les dépenses supplémentaires engagées par le gouvernement « à la suite de la traversée de notre frontière par Sitting Bull ».
S IR J OHN M C D ONALD : Je ne vois pas comment un bison assis (Sitting Bull) pourrait traverser la frontière.
M R . M C K ENZIE : À moins qu’il ne se lève.
S IR J OHN : En ce cas, il faudrait l’appeler Bison debout.
Tel était le niveau de discussion au parlement canadien chaque fois que le problème des
Weitere Kostenlose Bücher