Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
emporté par les maladies. » Norton ajouta que la réserve avait coûté au gouvernement des millions de dollars. « Plus vite nous l’abandonnerons et installerons les Indiens ailleurs, mieux ce sera. D’après ce que l’on m’a dit, il y aurait eu de la spéculation là-dessous (…). Vous attendez-vous vraiment à ce qu’un Indien soit heureux et satisfait de son sort alors qu’il est privé de ces commodités de la vie dont un homme blanc, où qu’il vive, ne pourrait se passer ? Quel homme raisonnable choisirait pour installer une réserve pour huit mille Indiens un endroit où l’eau est à peine potable, le sol pauvre et stérile, où les racines de mesquite, qu’il faut aller chercher à 20 kilomètres, sont le seul combustible ? (…) Si les Indiens restent sur cette réserve, ce sera uniquement parce que nous les y retenons de force, et non par choix. Oh, laissez-les rentrer chez eux, ou bien emmenez-les là où ils trouveront de la bonne eau à boire, du bois en quantité pour ne pas mourir de froid, et un sol dont ils pourront tirer quelque chose à manger (…). »
Pendant deux ans, la réserve vit un défilé d’enquêteurs et d’officiels venus de Washington, certains sincèrement compatissants, d’autres surtout soucieux de réduire les dépenses.
« Nous sommes restés plusieurs années, raconta Manuelito. Beaucoup d’entre nous sont morts à cause du climat (…). Les gens de Washington ont tenu conseil avec nous. L’un d’eux a expliqué comment les Blancs punissaient ceux qui ne respectent pas les lois. Nous avons promis que nous les respecterions si on nous laissait rentrer chez nous. Nous avons promis de respecter le traité (…). Cela, nous l’avons promis quatre fois. Nous avons tous dit “oui” au traité, et il nous a bien conseillés. Lui, c’était le général Sherman. »
Lorsque les chefs navajos rencontrèrent Grand Guerrier Sherman pour la première fois, ils prirent peur. Son visage ressemblait à celui de Chef-Étoiles Carleton – le même air féroce, la même pilosité importante, la même bouche cruelle. Mais ses yeux étaient différents – c’étaient ceux d’un homme qui avait souffert et savait voir la douleur dans le regard des autres.
« Nous lui avons promis que nous nous efforcerions de ne pas oublier ses paroles, poursuivit Manuelito. Il a dit : “Je veux que vous me regardiez tous.” Il s’est levé pour que nous puissions le voir. Il a expliqué que si nous agissions bien nous pourrions regarder les gens en face. Ensuite il a déclaré : “Mes enfants, je vais vous faire rentrer chez vous.” »
Mais avant de pouvoir partir, les chefs durent signer un nouveau traité (1 er juin 1868), qui commençait ainsi : « À partir de ce jour, toute guerre entre les parties signataires de cet accord cessera à jamais. » Barboncito fut le premier à signer, suivi d’Armijo, Delgadido, Manuelito, Herrero Grande, et sept autres chefs.
« Les nuits et les jours nous ont paru longs avant que n’arrive le moment de rentrer chez nous, raconta Manuelito. Nous avions une telle hâte de partir que la veille, nous nous sommes un peu avancés sur le chemin. Puis nous avons fait demi-tour. Les Américains nous ont donné un peu de bétail et nous les en avons remerciés. Nous avons dit aux conducteurs des chariots de fouetter les mules, tellement nous étions pressés. En apercevant le sommet de la montagne depuis Albuquerque, nous nous sommes demandé si c’était la nôtre, et nous avions envie de parler à la terre tant nous l’aimions, et certains de nos anciens ont pleuré de joie en arrivant chez eux. »
Ainsi se fit le retour des Navajos sur leur terre. Lorsque les limites de la nouvelle réserve furent définies, les meilleurs pâturages furent pour la plupart attribués aux colons blancs. La vie promettait d’être dure. Les Navajos devraient se battre pour survivre. Mais ils allaient se rendre compte que, malgré toutes leurs difficultés, c’était eux les moins malchanceux de tous les Indiens de l’Ouest. Pour les autres tribus, les épreuves venaient tout juste de commencer.
I live.
To the heavens
I gazed.
In a sacred manner I live.
My horses
Are many.
(chant) D ’ UNE MANIÈRE SACRÉE JE VIS
D’une manière sacrée
Je vis.
Vers les cieux
Je regardais.
D’une manière sacrée je vis.
Mes chevaux
Sont nombreux.
Les Blancs essayaient toujours de forcer les Indiens à abandonner leurs coutumes et à
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