Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
vallée de l’Arkansas River, où ils avaient construit Bent’s Fort, plus de trente ans auparavant. William avait épousé Owl Woman puis, devenu veuf, sa sœur, Yellow Woman. Les Bent et les Cheyennes entretenaient depuis toujours des liens d’amitié forts. Petit-Homme-Blanc avait trois fils et deux filles, qui passaient beaucoup de temps avec la tribu de leur mère. D’ailleurs, cet été-là, deux de ses fils, George et Charlie, chassaient le bison avec les Cheyennes dans la vallée de la Smoky Hill.
Après mûres réflexions, Black Kettle chargea un messager de trouver au plus vite Petit-Homme-Blanc. « Dis-lui que nous nous sommes battus contre les soldats et que nous en avons tué plusieurs. Dis-lui que nous ignorons quelle raison les Blancs avaient de nous attaquer, et que nous aimerions le voir pour discuter de cela avec lui. »
Par pur hasard, le messager de Black Kettle croisa William Bent sur la route menant de Fort Larned à Fort Lyon. Bent renvoya à Black Kettle des instructions pour le retrouver à Coon Creek. Réunis une semaine plus tard, les vieux amis constatèrent qu’ils partageaient la même inquiétude au sujet de l’avenir des Cheyennes. Bent, qui craignait surtout pour ses fils, apprit avec soulagement qu’ils chassaient le long de la Smoky Hill. On n’avait signalé aucun problème dans cette région, mais Bent avait eu vent de deux combats livrés ailleurs. À Fremont’s Orchard, au nord de Denver, une bande de Dog-Soldiers ayant récupéré un cheval et une mule visiblement égarés avaient été attaqués par une patrouille de volontaires du Colorado, un régiment placé sous les ordres du colonel John M. Chivington. Les soldats, qui cherchaient des chevaux volés, avaient ouvert le feu sur les Cheyennes sans même leur laisser le temps d’expliquer d’où venaient les bêtes. Après cette escarmouche, Chivington avait envoyé une force plus importante attaquer un campement cheyenne près de Cedar Bluffs. Une femme et deux enfants avaient été tués. Les soldats responsables de l’attaque du campement de Black Kettle le 16 mai faisaient également partie du régiment de Chivington. Ils venaient de Denver et n’étaient pas autorisés à faire des opérations dans le Kansas. Or, l’officier qui les commandait, le lieutenant George S. Eayre, avait reçu du colonel Chivington l’ordre de « tuer des Cheyennes, quel que soit l’endroit ou le moment où il les trouve ».
William Bent et Black Kettle s’accordèrent à dire que si de tels incidents se répétaient, ce serait la guerre généralisée partout dans les plaines. « Ce n’est ni mon intention, ni mon souhait de combattre les Blancs, affirma Black Kettle. Je tiens à la paix et à l’amitié avec eux, et désire qu’il en soit de même pour ma tribu. Je n’ai pas les moyens de me battre contre les Blancs. Je veux vivre en paix. »
Bent conseilla à Black Kettle d’empêcher ses jeunes guerriers de lancer des raids de représailles. Puis, après avoir promis de revenir dans le Colorado pour tenter de dissuader les autorités militaires de suivre le chemin dangereux dans lequel elles s’étaient engagées, il prit la direction de Fort Lyon.
« À mon arrivée, devait-il déclarer plus tard sous serment, j’ai rencontré le colonel Chivington et lui ai rapporté la conversation que j’avais eue avec les Indiens, en lui expliquant que les chefs voulaient rester amis avec lui. En guise de réponse, il m’a dit qu’il n’était pas autorisé à conclure la paix et qu’il était sur le sentier de la guerre – ce sont ces mots-là qu’il a utilisés, je crois. Je lui ai alors expliqué qu’il y avait grand danger à rester en état de guerre, qu’un nombre important de trains circulaient dans la région et que beaucoup de citoyens y vivaient, et que je ne croyais pas l’armée suffisamment nombreuse pour protéger les voyageurs, et que les citoyens et les colons du pays souffriraient. Il m’a répondu que les citoyens n’auraient qu’à se protéger eux-mêmes. Alors je n’ai plus rien ajouté. »
Fin juin, le gouverneur du territoire du Colorado, John Evans, adressa aux « amis indiens des Plaines » un message les informant que des membres de leurs tribus étaient entrés en guerre contre les Blancs, et qu’« à certains endroits ils avaient attaqué et tué des soldats ». Sans faire la moindre mention du fait que des soldats avaient attaqué des Indiens, déclenchant ainsi
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