Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
les trois affrontements avec les Cheyennes, Evans poursuivit : « Pour ces raisons, le Grand Père est en colère et fera tout pour les débusquer et les punir, mais il ne veut causer aucun tort à ceux qui conservent des liens d’amitié avec les Blancs. Au contraire, il désire les protéger et prendre soin d’eux. À cet effet, je demande à tous nos amis indiens de maintenir leurs distances avec ceux qui sont en guerre, et de se réfugier dans des endroits sûrs. » Evans ordonna aux bandes cheyennes et arapahos amies de venir se présenter à Fort Lyon, sur la réserve, où Samuel G. Colley, l’agent des Affaires indiennes, leur fournirait des provisions et leur indiquerait un endroit où se mettre à l’abri. « L’objet de ces mesures est d’éviter que des Indiens amis soient tués par mégarde. (…) La guerre contre les Indiens hostiles se poursuivra tant qu’ils ne seront pas tous entièrement soumis. »
Dès que William Bent eut vent des instructions du gouverneur Evans, il tenta de faire prévenir les Cheyennes et les Arapahos qu’ils devaient se rendre à Fort Lyon. Mais les différentes bandes étant éparpillées sur la partie occidentale du Kansas pour les chasses d’été, il fallut aux messagers plusieurs semaines pour les informer toutes. Au cours de cette période, les affrontements entre soldats et Indiens se multiplièrent. Des guerriers sioux, révoltés par les expéditions punitives menées par le général Alfred Sully en 1863 et 1864 dans le Dakota, déboulèrent du nord pour lancer des raids contre des trains, des stations de diligences et des colons le long de la route de la Platte. La responsabilité de ces actions fut le plus souvent attribuée aux Cheyennes du Sud et aux Arapahos, sur lesquels se concentra le zèle des soldats du Colorado. Selon George, le demi-frère de William Bent, qui se trouvait en juillet avec une bande de Cheyennes près de la Solomon River, lui et ses compagnons furent attaqués à maintes reprises sans aucune raison, et finirent par recourir aux méthodes habituelles pour répliquer – incendies des stations de diligences, poursuites des caravanes de colons, dispersions des troupeaux et attaques des convois avec formation du cercle de chariots et bataille.
Black Kettle et les chefs plus âgés tentèrent de faire cesser ces raids, mais leur influence ne pesait pas bien lourd face à celle de chefs plus jeunes, comme Roman Nose, et des membres de l’Hotamitano, la société guerrière des Dog-Soldiers. Apprenant que sept captifs blancs – deux femmes et cinq enfants – avaient été emmenés dans les campements situés le long de la Smoky Hills par ceux qui avaient participé aux raids, Black Kettle les échangea contre ses propres mustangs afin de pouvoir les rendre à leurs familles. À peu près au même moment, il reçut le message de William Bent l’informant de l’ordre donné par le gouverneur.
Nous étions en août. Entre-temps, Evans avait fait circuler une autre déclaration dans laquelle il autorisait « tous les citoyens du Colorado, soit individuellement, soit en groupes organisés, à traquer les Indiens hostiles sur les plaines, tout en laissant tranquilles ceux qui se sont rendus comme je le leur demandais aux points de rendez-vous fixés, et à tuer et détruire les Indiens hostiles où qu’ils soient, parce que ce sont des ennemis de notre pays ». Ainsi commençait la chasse aux Indiens qui n’étaient pas encore confinés sur les réserves.
Black Kettle convoqua immédiatement un conseil, et tous les chefs présents acceptèrent de se soumettre aux exigences du gouverneur, afin d’éviter la guerre. On demanda à George Bent, qui avait fait ses études au Webster College de St. Louis, de rédiger une lettre adressée à l’agent Samuel Colley à Fort Lyon, par laquelle les Indiens affirmaient leur volonté de vivre en paix. « Nous avons appris que tu détenais certains des nôtres à Denver. Nous avons sept captifs blancs que nous sommes disposés à te remettre, à condition que tu fasses de même avec tes prisonniers. (…) Nous exigeons une vraie réponse de ta part. » Black Kettle espérait que Colley lui donnerait des instructions pour traverser le Colorado avec ses captifs sans être attaqué par des soldats ou des bandes de citoyens armés. Toutefois, il ne lui faisait pas entièrement confiance. En effet, il le soupçonnait d’avoir vendu à son profit une partie des marchandises revenant aux
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