Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
que ces nouveaux soldats partis en expédition tuent des membres de mon peuple pendant que je suis ici. »
Ce à quoi Evans, impassible, répondit : « C’est en effet ce qui risque bien de se produire. »
« Nous avons envoyé notre lettre au chef d’escadron Wynkoop, poursuivit White Antelope, et pour lui et ses hommes, venir dans notre campement, c’était comme affronter le feu ou la tempête. Pour nous, venir te voir, c’était pareil. »
Le gouverneur Evans commença alors à interroger les chefs sur les incidents qui s’étaient produits le long de la Platte, espérant leur faire avouer qu’ils avaient participé aux raids. « Qui s’est emparé des marchandises de Fremont’s Orchard et a participé au premier affrontement avec les soldats ce printemps ?
— Avant de répondre à cette question, répliqua White Antelope avec assurance, sache que la guerre a commencé à ce moment-là, et j’aimerais comprendre pourquoi. C’est un soldat qui a tiré le premier.
— Les Indiens avaient volé quarante chevaux, dit Evans d’un ton accusateur. Les soldats ont voulu les récupérer, et les Indiens leur ont tiré dessus.
— En descendant la Bijou River, rétorqua White Antelope, nos braves avaient trouvé une mule et un cheval. Ils ont rendu le cheval à quelqu’un avant d’arriver au ranch Gerry, où ils pensaient laisser la mule. Lorsqu’ils ont appris que les soldats et les Indiens se battaient le long de la Platte, ils ont pris peur et se sont tous enfuis.
— Qui est responsable des déprédations commises à Cottonwood ? voulut savoir Evans.
— Les Sioux. Mais nous ignorons quelle bande.
— Qu’est-ce que les Sioux ont l’intention de faire maintenant ?
— Leur plan est de nettoyer le pays tout entier, expliqua Bull Bear. Ils sont en colère, et causeront le maximum de dégâts chez les Blancs. Je suis avec toi et les troupes pour combattre tous ceux qui refusent de t’écouter. (…) Je n’ai jamais fait de mal à un Blanc. Je veux qu’il sorte de ce conseil quelque chose de bon. Je serai toujours ami avec les Blancs ; ils peuvent m’apporter de bonnes choses. (…) Mon frère Lean Bear est mort alors qu’il tentait de préserver la paix avec les Blancs. Je suis prêt à mourir comme lui, et c’est certainement ce qui m’arrivera. »
Comme la discussion semblait pratiquement close, le gouverneur demanda au colonel Chivington s’il avait quelque chose à dire aux chefs. Le colonel se leva. C’était un homme imposant, au torse puissant et au cou épais, un ancien prêcheur méthodiste qui avait passé une grande partie de sa vie à organiser le catéchisme dans les camps de mineurs. Les Indiens le comparaient à un gros bison barbu qui aurait un éclat de folie furieuse dans les yeux. « Je ne suis pas un grand chef de guerre, déclara-t-il, mais tous les soldats de la région sont sous mes ordres. Ma règle, quand je fais la guerre contre des Blancs ou des Indiens, est de ne cesser les combats que lorsqu’ils déposent les armes et se soumettent à l’autorité militaire. Ils [les Indiens] sont plus proches de Wynkoop que de tout autre officier. Qu’ils aillent le voir lorsqu’ils seront prêts à se rendre. »
Le conseil se termina ainsi, sans que les Indiens, perplexes, sachent vraiment s’ils avaient conclu la paix ou pas. Ils n’étaient sûrs que d’une chose : le seul ami parmi les soldats sur lequel ils pouvaient compter, c’était Grand-Chef Wynkoop. Chef-Aigle-aux-yeux-brillants, Chivington, leur avait conseillé d’aller voir Wynkoop à Fort Lyon, ce qu’ils décidèrent donc de faire.
« Alors, nous avons levé le camp et sommes allés nous installer à Sand Creek, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Fort Lyon, raconte George Bent. De là, certains se sont rendus au fort pour voir Wynkoop et là-bas les gens se sont montrés si gentils qu’au bout de quelque temps, les Arapahos nous ont quittés et ont carrément établi leur campement au fort, où ils ont régulièrement reçu des rations. »
Wynkoop avait commencé à distribuer les rations après avoir appris par Little Raven et Left Hand que les Arapahos ne trouvaient plus ni bison ni gibier d’aucune sorte sur la réserve et qu’ils craignaient d’envoyer des chasseurs dans le Kansas, peut-être parce qu’ils avaient entendu parler des ordres récemment donnés par Chivington à ses hommes : « Tuez tous les Indiens que vous rencontrerez. »
La
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