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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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mais des cas analogues se produisent partout.
    Les défenseurs de la morale traditionnelle reconnaîtront parfois qu’elle n’est pas parfaite, mais ils soutiennent que toute critique signifierait l’écroulement de la morale. Il n’en sera pas ainsi si la critique est fondée sur un élément positif et constructif et non sur le désir d’obtenir un plaisir momentané. Pour revenir à Bentham : il préconisa une morale dont le principe serait « le plus grand bonheur du plus grand nombre ». Un homme qui agirait selon ce précepte aurait une vie bien plus ardue qu’un homme qui ne ferait qu’obéir à des préceptes conventionnels. Il ne manquera pas de se faire le champion des opprimés et il s’exposera ainsi à l’inimitié des grands. Il proclamera des faits que les gouvernements désirent tenir cachés ; il démentira les mensonges destinés à détacher les sympathies de ceux qui en ont besoin. Une telle manière de vivre ne conduit pas à l’écroulement de la vraie morale. La morale officielle fut toujours oppresseuse et négative ; elle disait « tu ne feras pas » ceci ou cela, et ne se donnait pas la peine de rechercher les effets des activités non interdites par le code. Tous les grands mystiques et fondateurs de religion protestaient en vain contre ce genre de morale : mais leurs disciples ignorèrent leurs affirmations les plus explicites. Il semble donc peu probable que des réformes grandement conçues seraient jamais réalisées grâce à leurs méthodes.
    Je pense qu’il faut espérer davantage du progrès de la science et de la raison. Peu à peu les hommes se rendront compte qu’un monde dont les institutions sont fondées sur la haine et l’injustice n’est pas celui qui produirait le bonheur le plus probablement. La dernière guerre apprit cette leçon à quelques-uns et elle l’aurait apprise à beaucoup plus de monde si personne ne l’avait gagnée. Nous avons besoin d’une morale fondée sur l’amour de la vie, sur la joie de la croissance et des accomplissements positifs et non sur la répression et l’interdiction. On devrait considérer un homme comme un homme de « bien » s’il est heureux, expansif, généreux et joyeux du bonheur des autres ; et dans ce cas on devrait attribuer peu d’importance à quelques peccadilles. Mais on devrait considérer un homme qui acquiert une fortune par la cruauté et l’exploitation comme nous considérons actuellement ce qu’on appelle un homme « immoral » ; et on devrait le considérer ainsi même s’il va régulièrement à l’église et donne une partie de ses biens malhonnêtement acquis à des institutions publiques. Pour réaliser cela, il suffit de répandre une attitude rationnelle envers les problèmes éthiques, au lieu de ce mélange de superstition et d’oppression qui est encore accepté comme de la« vertu » par les personnages importants. On croit de nos jours que le pouvoir de la raison est petit, mais je demeure un rationaliste impénitent. Il se peut que la raison ne soit qu’une petite force, mais elle agit toujours dans le même sens, tandis que les forces de la déraison se détruisent les unes les autres dans une lutte stérile. C’est pourquoi, chaque orgie de la déraison a pour effet de raffermir les amis de la raison et prouve de nouveau que ce sont eux les seuls vrais amis de l’humanité.

X
LA RECRUDESCENCE DU PURITANISME
    PENDANT LA guerre, les tenants du pouvoir de tous les pays crurent nécessaire de faire des concessions extraordinaires au peuple afin de s’assurer sa collaboration. On donna aux salariés un salaire suffisant pour vivre ; on dit aux Hindous qu’ils étaient des hommes et des frères ; on donna aux femmes le droit de vote et on permit aux jeunes de jouir des plaisirs dont les vieux désirent toujours les priver, au nom de la morale. Après avoir gagné la guerre, les vainqueurs se mirent au travail pour reprendre à leurs esclaves les avantages temporairement donnés. Les salariés furent battus par le résultat des grèves du charbon en 1921 et 1926 ; diverses mesures contribuèrent à remettre les Hindous à leur place ; comme il ne fut pas possible d’enlever aux femmes leur droit de vote, on ne leur permit pas d’occuper des postes après leur mariage, malgré un Acte du Parlement qui les y autorise. Tous ces événements sont « politiques », c’est-à-dire qu’il existe des corps organisés d’électeurs qui représentent les

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