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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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d’enseigner leurs croyances que les libres penseurs leurs doutes. Elles rendraient pourtant le champ libre et fourniraient la possibilité d’une éducation libérale si on le voulait réellement. On ne peut pas demander davantage à la loi.
    Dans cet essai, la cause que j’ai défendue était celle de l’esprit scientifique, qui est une chose totalement différente de la connaissance des résultats scientifiques. L’esprit scientifique est capable de régénérer l’humanité et de fournir une solution à tous nos embarras. Les résultats de la science, sous la forme du mécanisme, des gaz toxiques et de la Presse Jaune promettent d’amener l’écroulement total de la civilisation. C’est une sérieuse antithèse qu’un habitant de Mars pourrait contempler avec un détachement amusé. Mais pour nous, c’est une affaire de vie et de mort. De sa solution dépend la question de savoir si nos petits-enfants vivront dans un monde plus heureux ou s’extermineront mutuellement par des méthodes scientifiques, laissant peut-être aux nègres et aux Papous le soin des destinées futures de l’humanité.

XIII
LA LIBERTÉ ET LA SOCIÉTÉ
    QUEL EST le degré possible de liberté, et jusqu’à quel degré est-elle souhaitable, parmi des êtres humains vivant en communauté ? Voilà le problème général que je me propose d’examiner ici.
    Il sera peut-être bon de commencer par des définitions. « La liberté » est un terme employé dans beaucoup de sens et nous devons nous résoudre à en adopter un avant d’aborder la discussion de façon utile. « La société » est un terme moins ambigu, mais ici aussi, tenter de donner une définition ne sera peut-être pas déplacé.
    Je ne pense pas qu’il soit souhaitable d’employer des mots en leur donnant des significations fantaisistes. Par exemple, pour Hegel et ses disciples, la « vraie » liberté consiste à obéir à la police qui est généralement appelée « la loi morale ». Naturellement, la police doit obéir à ses supérieurs, mais cette définition ne nous sert à rien quand il s’agit de savoir ce que le gouvernement lui-même doit faire. C’est pourquoi les partisans de cette conception prétendent, en pratique, que l’État est infaillible par essence et par définition. Cette notion ne convient pas à un pays où règnent la démocratie et le gouvernement des partis, puisque, dans un tel pays, à peu près la moitié de la nation est persuadée que le gouvernement est très vicieux.
    « La liberté, dans son sens le plus abstrait signifie l’absence d’obstacles extérieurs pour la réalisation des désirs. » Prise dans ce sens abstrait, on peut augmenter sa liberté soit par l’accroissement de sa puissance, soit par la diminution de ses besoins. Un insecte qui vit quelques jours et qui meurt de froid peut, selon cette définition, jouir d’une liberté complète, car il se peut que le froid change ses désirs, si bien qu’à aucun moment il ne souhaite l’impossible. Parmi les êtres humains aussi, cette manière d’atteindre à la liberté est possible. Un jeune aristocrate russe qui est devenu communiste et commissaire à l’Armée Rouge m’a expliqué que les Anglais n’avaient pas besoin d’une camisole de force physique, car ils en avaient une mentale : leurs âmes sont toujours en camisole de force. Ce mot contient probablement un peu de vérité. Les personnages de Dostoïevski ne sont bien entendu pas tout à fait semblables aux Russes réels, mais en tout cas, de tels personnages ne pouvaient être inventés que par un Russe. Ils ont toutes sortes de désirs violents et étranges, dont l’Anglais moyen est libéré, du moins dans la mesure où il ne s’agit que de sa vie consciente. Il est évident qu’une communauté où tout le monde désire s’entre-tuer ne peut être aussi libre qu’une communauté où règnent des désirs plus pacifiques. La modification du désir peut donc signifier une aussi grande conquête pour la liberté que l’accroissement du pouvoir.
    La considération suivante peut servir de preuve à l’existence d’une nécessité dont la pensée politique ne tient pas toujours compte : c’est la nécessité de ce qu’on pourrait appeler le « dynamisme psychologique ». En politique, on a accepté beaucoup trop souvent la nature humaine comme une donnée à laquelle il faut adapter les conditions extérieures. La vérité est, naturellement, que les conditions extérieures

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