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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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Pucelle.
    Chaque jour, marches et contremarches, du sud au nord et de l’est à l’ouest. Depuis une semaine, on tourne en rond sans apercevoir la moindre patrouille anglaise, la moindre trace de passage. Dans les rares villages encore habités où l’on fait halte : Saint-Péravy-la-Colombe, Patay, Lignerolles, Coinces, les paysans formulent toujours la même réponse : on n’a pas vu le moindre soldat anglais depuis des semaines, à part quelques groupes de déserteurs qu’il fallait chasser à coups de fourche.
    – Cette armée anglaise, elle existe bien, pourtant ! peste Jeanne. On nous l’a signalée alors que nous étions à Beaugency. Elle ne s’est tout de même pas évaporée ! Allons, en selle ! Nous finirons bien par la rencontrer.
    Elle réenfourche Pollux en marmonnant on ne sait quoi et fait un geste qui signifie qu’il faut repartir. On avance à travers la fournaise, piétinant des prairies d’herbe sèche crépitantes de sauterelles aux ailes bleues, d’où monte un obsédant murmure métallique : stridulence de criquets, bourdonnement de mouches et de taons, gringrin de grillons... On cuit à feu doux sous les plaques de métal du harnois. Jeanne a interdit que l’on ne garde que la huque d’étoffe légère et flottante ; elle se met en rage lorsqu’elle surprend des cavaliers torse nu coiffés d’un chapeau d’herbe. Parfois, lorsque l’amble du cheval les endort, certains vident les arçons et tombent lourdement avec un bruit de casserole sur le sol dur comme des dalles d’église.
    Un après-midi où la chaleur a gagné en intensité, Jeanne n’a pu retenir les hommes de l’avant-garde, alors que l’on approchait de ce qu’on croyait être un petit affluent du Loir. Ils ont piqué leur monture et se sont retrouvés devant un étang au fond duquel macéraient quelques flaques d’eau pourrie entre des espaces de croûte fendillée. Ils ont laissé s’abreuver leurs chevaux à cette eau tiédasse et puante, se sont débarrassés de leur équipement et ont pris un bain de vase.
    – Beau spectacle, en vérité ! s’est-elle écriée. Regarde-toi, Bâtard ! On dirait que tu sors d’une tourbière, tu pues comme cinq cents diables !
    – Et toi, proteste La Hire, comment fais-tu pour garder cette fraîcheur ? Tu emploies un charme, ma parole ! Tu as chevauché toute la journée et on dirait que tu sors d’un bain de rosée !
    – J’ai appris toute jeune à me défendre de la fatigue, du froid et de la chaleur. Je n’ai pas été élevée dans un château, moi !
    Elle a piqué des deux vers un groupe de ribaudes en train de se disputer une flaque d’eau large comme une table pour y baigner leur chair marbrée de traînées rouges. Elle leur a crié de se rhabiller et de remonter dans leurs chariots. Elles ont regimbé mais obéi. Les ribaudes... À plusieurs reprises, elle les a chassées de l’armée à coups de plat d’épée, mais elles sont revenues obstinément, comme une gale que l’on gratte et qui renaît sans cesse et prolifère, si bien que Jeanne a fini par baisser les bras, sans pour autant tolérer le moindre désordre qui eût compromis la discipline. Ce sont après tout de pauvres filles, pour la plupart de même origine qu’elle, des vilaines arrachées à leur famille par la famine, la misère ou la guerre. Elles viennent parfois assister aux offices.
    – Tu ne pourras jamais t’en débarrasser, lui a dit Gilles. Elles sont nécessaires aux soldats, autant qu’une mère ou une épouse, autant que le pain et le vin. Sans elles, tu ne pourrais pas tenir tes troupes : les hommes iraient chercher des garces dans les villages pour les violer et les enlever. À tout prendre, mieux vaut s’en tenir aux usages.
    La Hire, Xaintrailles, Florent d’Illiers et quelques autres capitaines, anciens routiers pour la plupart, entretiennent une ou plusieurs de ces garces qu’ils s’échangent volontiers. Jeanne serre les dents, retient sa colère mais ferme les yeux. Gilles, quant à lui, se laisse aller à un autre genre de dépravation avec les petits chanteurs de sa manécanterie qu’il a entassés dans une charrette. Parfois, le soir, autour d’un feu, il les écoute avec recueillement chanter des hymnes et des cantiques.
    D’Alençon a dit à Jeanne un matin, avant le départ :
    – Nous perdons notre temps ! Les hommes commencent à murmurer. Nous avons même à regretter quelques désertions. Pas plus tard qu’hier, quinze hommes de Saint-Sévère ont

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