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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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tourmentes s’annonçaient.
    Le duc de Bretagne, prince sans envergure ni caractère, avait pactisé avec le roi Henri d’Angleterre, de crainte de se voir privé de ses domaines. Il avait épousé une fille du roi Charles et d’Isabeau. De nature prudente, il ménageait un camp en s’efforçant de pas s’aliéner l’autre. Alors que les Anglais, enfin maîtres de la Normandie, campaient à ses frontières, il s’était résolu par précaution à cautionner le traité de Troyes. C’était, à contrecoeur, se poser en adversaire du soi-disant dauphin et s’en faire éventuellement un ennemi.
    Sans en informer la veuve du connétable Du Guesclin, champion de la lutte contre les Anglais, qui ne lui eût pas pardonné cette initiative dictée par la peur, il avait réuni une armée, avait passé la Loire pour se heurter, à Montaigu, aux armes du dauphin qui lui avait fait mordre la poussière.
     
    Par un bel automne qui sentait la marée d’équinoxe, Charles décida de mettre à profit sa victoire pour rendre visite à sa bonne ville de La Rochelle. Il convoqua les corps constitués pour une grande assemblée qui devait se tenir dans la salle haute de l’évêché.
    Il venait de terminer son allocution liminaire et se préparait à écouter compliments et doléances quand de sinistres craquements se firent entendre. Le parquet, qui supportait le poids de plusieurs centaines de participants, s’infléchit comme un pont de navire, se creusa comme un cratère, et tout ce que la ville comptait de notables y sombra dans un tumulte de hurlements et de gémissements. Charles n’eut d’autre recours pour ne pas disparaître dans ce gouffre que de s’accrocher au rebord du parquet resté stable, ses jambes battant dans le vide.
    – Je vois un signe dans cette catastrophe, dit-il à Tanneguy du Châtel, un signe des plus néfastes. Que va-t-il encore m’advenir ?
    La réponse ne se fit pas attendre.
     
    De retour à Bourges, il achevait une lettre à l’intention de Robert de Baudricourt, son fidèle capitaine des marches de Lorraine, quand un courrier déposa un pli sur sa table de travail. L’ayant lu, il blêmit, se leva, retomba dans son fauteuil, appela Pierre de Giac, lui tendit le document. Le premier chambellan fronça les sourcils.
    – Bien triste nouvelle, monseigneur, dit-il. La mort d’un père est affligeante, assurément, mais en l’occurrence elle est dans l’ordre des choses. Sa Majesté n’était roi que de façade.
    Charles, bouleversé, se dit que, désormais, il était seul plus qu’il ne l’avait jamais été et qu’il ne devrait compter que sur ses propres ressources pour faire face à une situation de plus en plus difficile. Il avait mal supporté l’animosité de son père et plus encore son indifférence. Ses deux frères aînés avaient disparu. Quant à sa mère, elle l’avait rejeté.
    – Il faut vous reprendre, monseigneur, dit Giac. C’est maintenant sur vous que repose l’avenir du royaume. Il n’y a plus qu’un souverain : vous...
    – ... et le roi d’Angleterre, hélas !
     
    Sa Majesté s’était éteinte dans son hôtel de Saint-Pol, d’une fièvre contractée au retour d’une chasse sous la pluie d’automne. C’est la fidèle Odinette qui lui avait fermé les yeux et le duc de Belford qui avait conduit le cortège funèbre à Saint-Denis. La cérémonie terminée, de retour au Louvre, le régent s’était présenté aux corps constitués, les mains appuyées sur la garde de l’épée du défunt : une attitude destinée à affirmer sa qualité. La reine Isabeau s’était bornée à cautionner par son silence cette prise de pouvoir dont les Parisiens purent mesurer l’indécence.
     
    Quelques semaines plus tard, alors qu’il se trouvait à Saumur, le dauphin apprit une autre nouvelle qui le chagrina moins que la précédente : la mort à Vincennes du roi d’Angleterre. Depuis des mois, il souffrait du feu Saint-Antoine qui lui dévorait les entrailles. Âgé de trente-six ans, il avait nourri l’espoir de coiffer la couronne d’un empire d’Occident qui eût dicté sa loi au monde, et envisagé d’aller conquérir la Palestine. Son épouse, Catherine, fille de Charles et d’Isabeau, lui avait donné, quelques mois avant sa mort, un fils qui allait devenir Henri VI.
    Sur le cercueil du roi défunt on déposa son effigie en cuir bouilli et les objets du sacre, puis, au fil de la Seine, le corps fut conduit vers l’Angleterre.
     
    La nuit

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