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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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Louvette), magistrat austère, arrogant, cachait une nature tendue vers le profit ; s’il avait lié son sort, à l’instigation de Madame Yolande, à celui du soi-disant dauphin, c’était par intérêt. D’une habileté et d’une rapacité diaboliques, il fabriquait de la fausse monnaie, s’arrogeait une part des subsides envoyés par les provinces, engageait, sans en référer à son maître, bijoux et vêtements de prix. Les deux autres conseillers : Pierre Frottier, ancien palefrenier dont il avait fait le grand maître des Écuries, Pierre de Giac, son chambellan, ne valaient pas mieux, et ceux qu’ils avaient dans leur manche se comportaient comme de fieffés coquins.
    Ces escrocs ne se contentaient pas de mettre au pillage les maigres ressources du dauphin, ils le tenaient sous leur coupe, surveillant son courrier, le laissant dans l’ignorance des événements et lui contant des sornettes. De caractère faible, naïf, irrésolu, Charles ne pouvait échapper à leur emprise, et le fidèle Tanneguy, qui persistait à jouer les Mentor pour un Télémaque indifférent, n’y pouvait rien changer.
     
    La misère du royaume était à son comble. Paris était redevenu un champ clos où s’affrontaient les bandes rivales d’Armagnacs et de Bourguignons, les massacres et les répressions alternant sous l’oeil froid de la Grande Boucherie qui continuait à mener la danse de mort.
    À la misère et au crime s’ajoutait le dépeuplement. L’insécurité permanente avait vidé des quartiers de leurs habitants qui étaient allés chercher refuge dans la campagne. L’hiver ramenait les loups. La nuit venue, par bandes, ils se jetaient dans la Seine en amont de Paris, se laissaient dériver jusqu’aux ports et pénétraient dans la cité. Leurs lieux favoris de rendez-vous étaient les cimetières, celui des Innocents notamment : ils déterraient les cadavres et s’en régalaient, mais n’épargnaient pas les vivants : malheur au promeneur attardé, au vagabond endormi sous un porche, au soldat du guet qui flânait à l’arrière de sa compagnie. Leur donner la chasse ? Qui s’y fût risqué ? Paris était leur domaine.
     
    Le dauphin n’avait pas appris sans un serrement de coeur, en juillet de l’an 1421, que le roi Henri V avait fait dans Paris une entrée triomphale. On comptait sur son autorité pour remettre de l’ordre dans cette chienlit.
    Invité à se mêler au cortège, le père du dauphin, le roi fou, avait dû obtempérer. Tout le temps que défila le cortège, il se livra à des singeries grotesques, sautant de sa selle, y remontant d’un bond, laissant sa monture divaguer au milieu de la foule, excitant l’hilarité des gosses, la pitié des femmes, la colère des hommes.
    La reine Isabeau s’était abstenue, préférant demeurer à Vincennes où elle abritait de nouvelles amours avec un capitaine des gardes. Lorsque le roi Henri lui réclama Catherine, une de ses filles, elle la lui donna de bonne grâce, persuadée que cette union conforterait les rapports entre les deux couronnes et qu’un jour, qu’elle souhaitait proche, l’Angleterre et la France ne seraient qu’une seule et unique nation. Ce jour-là, celui qu’elle appelait le soi-disant dauphin devrait renoncer à ses prétentions.
    Isabeau avait déposé un autre présent dans la corbeille de mariage : elle avait fait signer par Sa Majesté, à Troyes, ce maudit traité qui jetait la France en pâture aux Anglais, à perpétuité . Durant la cérémonie qui avait succédé à la signature de ce document, le roi Henri s’était agenouillé devant le malade qui, très ému en apparence de cette marque de respect et d’affection, avait essuyé dans la barbe de son gendre une salive mêlée de larmes en s’écriant :
    – Et maintenant, que l’on fasse entrer les musiciens !
    Ce pauvre fou se croyait au bal.
     
    Les « petits Ponthieu », comme disait Madame Yolande parlant du dauphin Charles, son gendre, et de sa petite épouse Marie, ne se voyaient que par intermittence et n’échangeaient que de rares courriers. Charles était à ses affaires, ici ou là, Marie à ses fuseaux et à ses heures, dans l’un des châteaux de sa mère, sur le bord de la Loire. Quand ils parvenaient à se retrouver, Charles enfermait la Louvette ou quelque autre de ses maîtresses dans un placard et, de jour ou de nuit, jouait les époux attentionnés.
    Aucune embellie dans le ciel de France. Bien au contraire : de nouvelles

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