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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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Neufchâteau. Un jour peut-être je t’y amènerai. Quand le comte de Bourlemont a décidé de le faire abattre pour le vendre à un charpentier, aux premiers coups de hache il a éclaté un tel orage que les bûcherons ont dû y renoncer.
    Lorsque Josef daignait raconter ses campagnes et ses exploits, Jeannette l’écoutait sans l’interrompre. C’était comme si la guerre, soudain, grondait autour d’elle, menaçant de lui sauter à la figure et de lui souffler au nez son haleine pestilentielle. Elle l’imaginait sous l’apparence de cet animal sorti des enfers, dont le curé parlait parfois dans ses sermons pour effrayer les enfants : la Manticore, une bête pharamine à face humaine, à corps de lion terminé par une queue de scorpion et qui se nourrissait de chair humaine.
    En marge du champ de manoeuvre, assise dans l’herbe près d’une vache qui broutait des feuilles de saule, elle regardait de tous ses yeux ces gars ardents qui apprenaient à manier l’arc, l’épée, la lance. Elle ne perdait rien du spectacle. Parfois, lorsqu’il était d’humeur joviale, Josef lui tendait une épée et lui lançait :
    – En garde, la pucelle ! Montre à ces mauviettes comment une fille bien plantée comme toi sait se défendre.
    L’épée était trop lourde, mais elle la maniait sans peine et même avec une certaine assurance. Josef faisait mine de rompre, s’agenouillait, demandait grâce au nom du Seigneur. Il prenait la gamine dans ses bras, la faisait voltiger, l’embrassait dans un grand rire qui sentait l’ail et le vin. Elle s’accrochait à lui, reniflait dans sa barbe rousse et drue ses odeurs d’homme.
    Parfois, au retour, il lui chantait des airs de son pays :
    Ritte, ritte Ross !
    In Zavre stehl e’ schloss
    Sitze vier Madâme drin 1 ...
    1 - « Trotte, trotte, cheval ! À Saverne se dresse un château Quatre dames y sont assises... »

Meung-sur-Loire, 1422
    La Louvette écarta les draps, se dressa lentement sur ses jambes repliées, les bras croisés sur sa poitrine maigre. Contre le dosseret qui tombait à longs plis de l’épervier suspendu de guingois au plafond rongé d’écailles et noir de suie, sa nudité d’adolescente prenait des éclats de nacre qui concédaient une vague séduction à cette garce chlorotique. Chaque fois qu’elle se dénudait, elle semblait émerger d’une coquille d’oeuf.
    – Pourquoi quitter Meung, dit-elle. Nous nous y plaisons. Monseigneur, pardonnez-moi, mais vous êtes constamment comme l’oiseau sur la branche. Au moindre bruit vous vous envolez.
    – C’est vrai, dit Charles, mais c’est ainsi. Je ne me sens en sûreté nulle part.
    Elle s’allongea de nouveau près de lui, cherchant un peu de sa chaleur. Cette chambre était glaciale. Il neigeotait sur la Loire et l’on ne verrait pas le soleil de tout le jour. Elle lui demanda de lui faire l’amour : c’était la quatrième fois depuis la veille au soir. Cette ardeur le changeait agréablement des étreintes timorées de la petite reine Marie qu’il avait laissée à Angers pour lui épargner les risques et les dangers d’une longue errance. Il sourit en la serrant de nouveau contre lui : Marie lui proposait des tisanes tiédasses et la Louvette un vin corsé.
    Il tenta un nouvel assaut, échoua, tourna le dos à sa petite maîtresse. Elle lui dit, avec aigreur :
    – Vous ne tenez pas votre parole, monseigneur. Vous m’aviez promis que nous passerions toute cette nuit à faire l’amour. Et vous voilà sur le flanc...
    Il se contenta de hausser les épaules : l’insolence de cette catin le laissait indifférent, car il avait d’autres soucis en tête. En revanche, il s’opposait à ce qu’elle prît de l’ascendant sur lui. Durant des mois il avait couru sur les chemins de la guerre, tantôt chasseur et tantôt gibier, remportant ici une victoire, subissant ailleurs une défaite, sans se libérer de cette obsession : était-il ce bâtard que certains affirmaient, donc mal fondé à se prévaloir du titre de dauphin de France ?
    – Tire le cordon, dit-il d’une voix pâteuse. Que l’on nous apporte le déjeuner...
     
    Le pire de la journée n’allait pas tarder à s’annoncer : il allait devoir affronter le Conseil.
    Il avait bien conscience que son autorité était battue en brèche par ses favoris : une camarilla qui avait pour chefs trois sinistres personnages, acteurs ou témoins de l’attentat de Montereau contre le duc de Bourgogne. Jean Louvet (le père de la

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