Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
Vom Netzwerk:
dauphin de France une fidélité inébranlable. Dans le Barrois, entre Vaucouleurs et Neufchâteau, une petite guerre aux multiples épisodes opposait Robert de Baudricourt à son adversaire irréconciliable, Antoine de Vergy, sénéchal de Bourgogne dont Bedford avait fait sans coup férir l’héritier des domaines que son adversaire possédait en Champagne. Coups de main, guets-apens, échauffourées ou batailles rangées se succédaient dans cette vallée de la Meuse devenue un champ clos, un théâtre d’horreur.
    À l’ouest de la France, le Mont-Saint-Michel tenait tête aux troupes anglo-normandes. Il était devenu le symbole d’une résistance opiniâtre à l’occupation et à la tyrannie des Godons.
     
    Les gens de Domrémy eurent des nouvelles de la situation en France par un pèlerin qui voyageait seul à travers des territoires parcourus par des bandes de détrousseurs. À la suite d’un meurtre, il avait fait voeu de se rendre, pour expier sa faute, sur le tombeau du Christ, en espérant y avoir accès sans payer de sa vie cet acte de foi.
    Il était originaire de Cancale, un port de la côte bretonne d’où il était parti le mois précédent. Sa première étape l’avait conduit au Mont : il l’avait trouvé assiégé par mer et par terre, mais, disait-il, il eût fallu des gardes bien vigilants pour l’empêcher de pénétrer dans cette citadelle. Il y était entré de nuit, au milieu d’une compagnie de ravitailleurs qui, profitant de la marée, pouvaient aller et venir sans trop de risques. Avant de s’engager à travers la France, il avait tenu à faire ses dévotions à saint Michel, dont il portait le prénom et qui était le saint patron des Valois. Il avait trouvé intra-muros une population décidée à mourir plutôt que de se rendre aux quelque deux cents soldats normands commandés par Louis d’Estouville, mêlés aux Godons. Durant les quelques jours passés dans la citadelle, il avait assisté à une contre-attaque des assiégés qui avaient réussi à capturer une vingtaine de navires.
    Michel avait perdu le tiers de son poids normal et ne paraissait guère en pâtir. Sous la barbe qui lui descendait presque à la ceinture, son visage rayonnait d’une ardeur mystique.
    À diverses reprises, il était tombé sur des bandes d’obédience anglo-bourguignonne, armanaque ou vouées exclusivement au brigandage ; certains le laissaient poursuivre son pèlerinage ; d’autres, déçus de ne rien trouver à lui dérober, le rouaient de coups. Il aurait fallu bien d’autres traverses pour l’arrêter et lui faire rebrousser chemin. Il vivait de la charité publique, l’essentiel de sa richesse étant, disait-il, dans son coeur, et donc inaliénable.
    Jacques lui ouvrit sa porte, le garda trois jours et lui fit raconter les motifs de son projet.
    – Une nuit, dit-il, je fus tiré de mon sommeil par du bruit venant de ma boutique de poissonnerie. Je me suis trouvé en me levant nez à nez avec un jeune gars qui cherchait le magot. Nous nous sommes battus et je l’ai tué. Comme il était chef de famille et que la misère était à sa porte, j’ai fait remettre à sa veuve une forte somme, mais ce n’était pas un sacrifice suffisant pour me pardonner à moi-même et m’exempter de tout remords. C’est alors que j’ai décidé ce pèlerinage. Partir, voyager dans les pires conditions qui soient, cela n’était pas pour moi une épreuve suffisante. Il fallait y ajouter une mortification constante. Je me suis fait fabriquer par le faure du village une ceinture de fer, et je fus comblé : c’était et c’est encore une torture permanente. Je ne m’en libérerai que lorsque j’aurai vu les murailles de Jérusalem et le tombeau du Christ. Si Dieu permet que j’y arrive...
    Avant de quitter Domrémy avec son bourdon et sa besace, il dit à Jacques :
    – Mon ami, Dieu vous rendra vos bontés au centuple.
    Il posa sa main brune et décharnée sur la tête de Jeannette et ajouta :
    – Quant à toi, mon enfant, je devine que tu n’es pas une nature commune. À te voir, à t’entendre, à la façon que tu as de m’écouter, j’ai compris qu’une grande destinée t’est réservée. Ne me demande pas ce qui me fait raisonner ainsi. J’ai croisé dans ma vie, au cours de ce voyage surtout, tant de créatures diverses que j’ai appris à lire en elles et à voir au-delà de leur condition présente. Je puis te dire que tu quitteras bientôt cette demeure pour n’y plus

Weitere Kostenlose Bücher