Et Dieu donnera la victoire
longtemps. C’est par lui que l’on apprit qu’une importante bande de routiers appartenant au sire de Vergy et opérant pour le duc de Bourgogne rôdaillait dans les parages. Le cordelier avait compté une vingtaine d’hommes conduits par un sergent à cheval. Josef lui demanda de le décrire :
– Un gros avec des moustaches aussi rousses que ta barbe. Il porte une tête de vache sur son écusson et, sur la tête, un cul de marmite peint en rouge.
– Je le connais ! s’écria Josef. C’est Robert de Sarrebruck. Tonnerre ! qu’est-ce qu’il fiche là ? S’il se présente, nous lui ferons une petite réception dont il se souviendra. Jacquemin, sonne le rassemblement !
Le garçon emboucha la corne de boeuf qui servait de trompette. Un moment plus tard on vit rappliquer, venant de leur maison ou de leur champ, le groupe des volontaires. Josef leur fit distribuer les armes entreposées dans un coin de la grange et leur fit une belle harangue :
– Aujourd’hui, les gars, c’est du sérieux. Vous allez montrer de quoi vous êtes capables, nom de Dieu ! André, on tient pas sa lance comme une fourche ! Guillaume, ne fais pas cette gueule ! On dirait qu’on t’envoie à l’abattoir. Les gars, c’est plus le moment de rigoler : ils sont une vingtaine, et pas des enfants de choeur. Alors dites-vous que vous avez à défendre votre famille, votre maison, vos champs et votre honneur. Et maintenant, en route !
– Je vous suis, dit Jeannette.
Josef lui rit au nez.
– Toi, ma jolie, lui dit-il, va voir à l’église si j’y suis ! Tu prieras pour ceux qui vont se battre.
Il demanda à Jacques de faire prévenir les gens de Domrémy et de Greux de rentrer le bétail et la volaille et de barrer la porte de leur maison.
– Dis aussi aux hommes qui restent de retourner la lame de leur faux comme je t’ai appris à le faire. Ils auront peut-être à s’en servir pour autre chose que faucher les orties !
Saluée d’un signe de croix par le cordelier, le petit groupe de combattants s’éloigna en direction de la Meuse. On entendit de loin tonner la voix de Josef :
– Silence dans le rang dès qu’on sera sur la rivière ! Le premier qui éternue ou qui pète, je lui botte le cul !
Massés sous le gros orme bordant la voyère, les gens du village virent les volontaires se scinder en deux groupes, l’un restant sur la rive gauche, l’autre passant de l’autre côté en empruntant un ponceau de bois.
Josef dirigeait la manoeuvre lorsqu’il poussa un juron : il venait d’apercevoir Jeannette en train de descendre, pieds nus, cottes relevées, la pente menant à la rivière. Il fit tourner son bonnet sur sa tête en pestant :
– Nom de Dieu ! cette tête de bois...
Lorsqu’elle fut à sa hauteur, il lui secoua le bras.
– Tu vas revenir d’où tu viens, et tout de suite, sinon je te botte les fesses ! Sale gamine !
– Je ne partirai pas ! décréta Jeannette. Tu peux me battre si tu veux, mais garde-moi avec toi.
– Pas le temps de discuter ! Tu veux rester ? Tu restes. Mais tu vas te planquer sous ce gros saule. Si j’ai besoin de tes services, je t’appellerai. Tu constitueras ma réserve. Mission de confiance...
Elle obtempéra de mauvaise grâce.
Les volontaires de Josef n’attendirent pas une heure avant de voir se dessiner sur l’horizon de la prairie, du côté de Maxey, la compagnie de Robert de Sarrebruck longeant la rivière. Le cordelier avait mal compté : ils étaient une bonne trentaine et bien armés, bannière en tête.
– Tonnerre ! gémit Josef. L’affaire se présente mal. Ils vont nous bouffer tout crus.
Lorsque la troupe fut à portée de voix, il décida d’entamer une négociation : on promettait de les laisser poursuivre leur chemin, non sans leur faire un brin d’esbroufe ; on leur laisserait entendre qu’ils n’avaient en face d’eux qu’une avant-garde.
Josef se détacha du groupe et, à découvert, s’avança vers le sergent à cheval dont il arrêta la monture d’un geste de la main.
– Salut, messire Robert ! lança-t-il d’une voix joyeuse. Heureux de te revoir.
– Josef... Josef Birkenwald ! Par exemple... Si je m’attendais... Que fais-tu là ?
– Comme tu peux voir, je donnais un peu d’exercice à mes gars. Je leur apprends à se défendre. Il y a tant de brigands sur les routes... Et toi-même, que deviens-tu ?
Le sergent descendit de cheval, ôta son couvre-chef.
– Si ça peut te rassurer, dit-il, je ne viens pas
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