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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de boules et de guirlandes. Toute la journée du 24 décembre, la convalescente resta assise dans son fauteuil, une couverture sur les jambes, un livre à la main mais sans en parcourir les lignes. En soirée, pendant que les enfants se préparaient pour la messe, elle demanda :
    — Fernand, crois-tu raisonnable d’imposer à Antoine le trajet dans le rumble seat ?
    L’homme ne dissimula pas sa surprise.
    — Souhaites-tu te joindre à nous ?
    Depuis son opération, elle avait raté tous les rendez-vous dominicaux.
    — Si tu n’y vois pas d’inconvénient, oui. Voir des visages réjouis et entendre les cantiques, cela me fera sans doute un peu de bien. Puis, je dois renouer avec la pratique religieuse, si je ne veux pas passer pour une mécréante.
    Son époux lui adressa un sourire chargé de sympathie.
    — Bien emmitouflé, Antoine ne souffrira pas d’un aussi court trajet au grand air. Et puis le simple fait de te voir incitera les voisines à recommencer leurs visites. Il y a longtemps que personne n’est venu ici.
    — Je ne suis pas certaine que cela me manque. Tu sais, leur premier souci sera de connaître par le détail les morceaux qui me restent, et ceux qui m’ont été enlevés.
    Elle quitta son siège en s’aidant de ses deux mains sur les accoudoirs. Tous ses mouvements étaient lents, comme si elle risquait
    de
    se
    rompre
    au
    moindre
    empressement.
    Gravir les escaliers s’avérait le plus difficile, aussi Fernand lui offrit-il son bras pour l’aider.
    A mi-chemin, elle demanda :
    — Tu ne souhaites pas récupérer... ton appartement ?
    Maintenant que je n’ai plus besoin de soins particuliers, rien ne justifie de t’en priver encore.
    — D’un autre côté, tu n’as pas à endurer le désordre des garçons dans la salle de bain de l’étage, ni le bruit quand tu désires te reposer. Le mieux serait que tu en profites encore un peu. Maintenant que nous y avons mis ton propre lit, tu as retrouvé ton confort.
    La réponse plongea la femme dans une profonde tristesse.
    Récupérer sa chambre et son petit salon aurait signifié un retour à sa vie normale, celle d’avant la maladie.
    Demeurer dans la garçonnière lui rappelait trop clairement que seul le passage du temps indiquerait si l’opération avait permis de la tirer d’affaire.
    — Tu as raison sans doute, je me sens encore fatiguée au point de faire une sieste l’après-midi, et de regagner mon lit bien tôt en soirée. Cette grande pièce a été isolée avec assez de soin pour couper tous les sons.
    Sur ces derniers mots, un petit sourire narquois passa sur son visage. Ces précautions ne cherchaient pas à protéger son occupant des bruits du reste de la grande demeure, mais plutôt à préserver son intimité.
    — Veux-tu demander à Gloria de monter m’aider à changer de robe ? Je continue de craindre certains mouvements, même si la cicatrice ne me tiraille plus.
    — Je le lui dis tout de suite.
    Il la quitta devant la porte de la garçonnière, puis emprunta l’escalier tournant afin de rejoindre directement la cuisine.

    *****
Une heure plus tard, toute la famille encombrait le couloir conduisant à la porte d’entrée. En voyant sa femme peiner en se penchant pour mettre ses couvre-chaussures, Fernand s’agenouilla pour l’aider. Devant cette scène, les enfants échangèrent un regard troublé.
    — Antoine, tu vas donner ton bras à ta grand-mère pour l’accompagner jusqu’à l’auto.
    — Bien sûr, répondit le garçon en se rangeant près de la vieille dame.
    — À l’intérieur, j’arrive encore à me déplacer sans aide, commenta celle-ci. Mais dans l’escalier et surtout sur la neige durcie de la cour, je ne fais plus confiance à mes vieilles jambes.
    Tout de même, elle s’empara tout de suite du bras offert, peu soucieuse de faire la démonstration du petit bout d’autonomie qui lui restait.
    — Un garçon robuste comme toi n’est pas du genre à laisser une vieille dame se casser la figure sur un morceau de glace noire, continua-t-elle.
    — Cela n’arrivera pas. Et si nous tombions tous les deux, Charles se couchera de tout son long sur le sol pour amortir notre chute.
    La vieille madame Dupire se tourna vers le cadet avec un regard inquisiteur.

    — Je préférerais tout de même ne pas vérifier ses bonnes dispositions à ce sujet.
    Pendant cet échange, Fernand avait offert son bras à sa femme pour sortir de la maison et la conduire jusqu’à la voiture. L’aîné et

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