Eugénie et l'enfant retrouvé

étude tenait certainement à son espoir d’y découvrir la vérité.
    — Va donc savoir. Peut-être s’imagine-t-il que j’ai fricoté avec sa mère adoptive, et que tout le reste de l’histoire a été inventé. Comme j’ai rencontré cette matrone, je t’assure que cela ne pouvait être le cas. Elle ne m’aurait pas le moins du monde intéressé.
    La remarque l’amusa, car en jetant son dévolu sur Eugénie, il avait sans nul doute choisi le pire des deux maux.
    — ... Et tu as décidé de permettre à la mère et au fils de se rencontrer.
    L’initiative paraissait si étrange à Elise que l’incrédulité marquait sa voix.
    — Exactement. Je suis sans doute idiot, mais je l’ai fait.
    Tu ne trouves pas que ce garçon dit vrai ? On a tous le droit de savoir qui nous a jeté dans ce monde étrange.
    — Les parents naturels ne voulaient pas se faire connaître de lui. De leur côté, ils ont droit à la discrétion.
    — Tu crois vraiment qu’Eugénie et son Anglais tenaient au secret ?
    La question laissa Elise perplexe. Cet homme avait-il seulement su qu’une naissance avait résulté de ses amours de passage ?
    — Quant au père adoptif, continua le notaire, il voulait certainement que son fils le sache. Laisser ces lettres traîner, c’était une invitation. On ne fait rien pour rien. Et pour Eugénie, on lui a enlevé son premier enfant. Crois-tu qu’elle a eu son mot à dire ?
    Elise fit signe que non de la tête. Dans cette maison, Thomas Picard prenait les décisions importantes.
    — Par la suite, continua le notaire, elle a pratiquement abandonné ses autres rejetons, jusqu’à tout récemment. Là, elle semble les découvrir. Mais si elle avait gardé ce blondinet, quelle aurait été la suite de son existence ?
    Fernand présentait l’allure d’un gros homme débonnaire épargné par les passions, sauf peut-être les plaisirs de la table. Elise découvrait un être complexe, étonnant à plusieurs égards.

    — Tu veux donc la voir découvrir cet enfant.
    — Pour ce que tu m’en as dit, le gamin ressemble à son père. Il porte aussi sur le visage des traces d’Eugénie. Si tous les deux le désirent, ils se reconnaîtront. Dans le cas contraire, j’aurai au moins permis à un gamin de se familiariser avec le vocabulaire du droit.
    Le couple vida la bouteille en silence. A se perdre dans leurs pensées, ils risquaient de voir Thalie les trouver encore là à son retour. Au moins, ce serait dans une tenue convenable.

    Chapitre 24

    Même si l’appartement de Mathieu Picard était de bonne dimension, l’affluence le rendait un peu exigu.
    — Les garçons, modérez un peu vos transports, sinon tante Flavie ne voudra plus nous recevoir chez elle.
    Françoise s’exprimait d’une voix douce. Ses enfants suspendirent leur course d’une pièce à l’autre pour l’écouter.
    Le cadet assura en souriant :
    — Non, ce n’est pas vrai, elle nous laissera venir encore.
    Puis il reprit son jeu, son frère derrière lui.
    — Us sont incorrigibles, dit la mère, un peu gênée.
    — Tous les deux sont surtout en bonne santé, protesta Flavie. S’ils ne s’agitaient pas un peu, nous aurions de vraies raisons de nous inquiéter.
    L’hôtesse se déplaça vers le salon, où conversaient une partie de ses invités. Mathieu se tenait près d’un fauteuil, penché sur une jolie blonde.
    — Amélie, tu prends des allures de reine, avec un ventre de la forme du globe terrestre.
    Marie plissa le front. Ses enfants continuaient d’évoquer des questions intimes avec la plus grande liberté. La principale intéressée ne paraissait pas s’en formaliser.
    — Voyons, avec ce poids à porter, je crains toujours de tomber vers l’avant.
    — Mais non, intervint Flavie en riant. Tu es superbe.
    La jolie blonde affichait son enfant à venir comme un trophée, la tête haute et un sourire permanent sur les lèvres.

    — Pas autant que toi. Je me souviens, il y a quatre ans...
    — Les filles, conclut Mathieu, nous allons régler cela bientôt. Je vais chercher mon appareil photo pour croquer ton portrait, dans six mois je ferai pareil avec ma femme, et à Noël nous comparerons.
    — Tu veux dire que...
    Marie s’interrompit, fixa les yeux sur la taille de sa bru.
    Elle ne distinguait rien encore.
    — Alfred commence à se lasser de ses jouets, déclara son fils d’une voix enjouée. Nous avons pensé lui tricoter un compagnon de jeu.
    — Ou une compagne, renchérit la future