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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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souffrait.
    — Après le souper, nous irons marcher un peu.
    — ... D’accord.
    Jacques se rendit dans sa chambre pour se changer «en tous les jours ». Avec un seul complet à sa taille, il se devait de le préserver.

    *****
    Après le repas, faire la vaisselle incombait à la seule maîtresse de maison. Aussi, elle fut prête à sortir à huit heures seulement. Avant de partir, elle s’arrêta dans l’entrée du salon.
    — Je vais marcher un peu avec mon fils, Armel.
    — Quelle bonne idée, la soirée semble très douce.
    Un instant, Jacques craignit que le petit homme ne se joigne à eux. La suite le rassura.
    — Tâchez de revenir avant neuf heures, ou vous raterez votre émission préférée.
    — Nous ne serons pas longs.
    Sur le trottoir, machinalement, la grosse femme se dirigea vers la 6e Avenue, puis s’engagea vers le nord. « Elle veut m’emmener à l’église », songea Jacques. Machinalement, il se mit à inventorier ses mauvaises actions. Cela ne pouvait être au sujet de Germaine Huot. Cette dernière le soumettait à un véritable
    rationnement:
    jamais
    ses
    mains
    ne
    devaient s’aventurer sous la ceinture.
    Près du temple, un Christ en croix se dressait au milieu d’un espace vert. Quelques bancs permettaient de se recueillir sans pour autant s’érafler les genoux.
    — Nous allons nous arrêter ici. Mes jambes me font un peu souffrir.
    Ils s’installèrent côte à côte. Heureusement, personne ne pouvait espionner leur conversation. Pourtant, la femme parut hésiter. Comme elle ne mâchait habituellement pas ses mots, cela laissait présager un échange difficile.
    — J’espère me marier bientôt, jeta-t-elle à la fin en bafouillant.
    Jacques ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit. Il parvint enfin à articuler :
    — Qu’est-ce que tu racontes ?
    Un peu plus, il déclarait: «Tu es déjà mariée.»
    — Je souhaite me remarier.
    — ... Avec ce type ?
    — Avec Armel.
    Même en son absence, elle n’utilisait plus le «monsieur Charmin». Le prénom s’imposait en toutes circonstances.
    — Papa vient de mourir.
    La protestation véhémente amena un peu de rouge aux joues de la matrone.
    — Tiens, tu ne l’appelles plus Fulgence, maintenant ?
    La répartie laissa son fils bouche bée. Dans l’adversité, Thérèse retrouvait bien vite sa vigueur habituelle.
    — Il est mort il y a dix mois, convint-elle ensuite. Bien sûr, nous attendrons encore, peut-être à Noël.
    « Quel joli présent ! », songea le garçon. À haute voix, il commenta :
    — Vous êtes trop vieux.
    — Tu veux devenir avocat ? Alors quelle loi interdit aux gens de mon âge de se marier ?
    Maintenant, elle affectait un air de défi. Jacques préféra taire ses objections.
    — Je fais ça pour toi, continua-t-elle, un ton plus bas.
    — Comment ça ?
    — Dans quatre ans, nous aurons vidé le compte de banque. Il ne restera rien, après avoir payé tes études, tes sorties... Je ne prends rien pour moi, sauf la nourriture. Tout le reste va pour les taxes, l’électricité, les assurances...
    La crainte noua de nouveau les tripes du garçon. Lui aussi se livrait parfois à des calculs bien angoissants.
    — Même avec les contributions des pensionnaires ?

— Pour y arriver, il en faudrait quatre au moins. Là, ils nous permettent juste de faire durer les économies un peu plus longtemps.
    Thérèse devinait avoir neutralisé les protestations. Elle décida de porter le coup de grâce :
    — Bien sûr, si tu me promets de rester à la maison au terme de tes études, si ta femme vient vivre avec nous après ton mariage, cela pourrait aller. Tu me promets de demeurer avec moi jusqu’à ma mort, de me servir de bâton de vieillesse? Nous pourrions même nous entendre devant notaire, je pense.
    La femme le défiait de dire oui. Le garçon se déroba.
    — Aucun besoin d’un contrat de ce genre. Je croyais que tu avais compris que cela allait de soi.
    La prudence de son interlocuteur amena un sourire ironique sur les lèvres de Thérèse. Il refusait de s’engager formellement. Abandonner totalement sa sécurité à ce beau jeune homme lui semblait un peu périlleux.
    — Aujourd’hui tu parais résolu à respecter cette entente, prononça-t-elle avec une pointe d’ironie dans la voix, mais s’il t’arrivait quelque chose ?
    — J’ai vingt ans.
    Un peu plus, et il semblait vouloir clamer: «Je suis éternel. »
    — Tu ne lis pas la rubrique nécrologique, n’est-ce pas ?
    Des gars de

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