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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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monsieur...
    murmura-t-il.

    Mais quelque chose ne cadrait pas. Des amants ne se contentaient pas de se serrer la main, ils s’embrassaient.
    Puis, ils se tenaient le bras en se promenant. Même Germaine et lui le faisaient lors de toutes leurs sorties... et pourtant, ils n’en étaient qu’aux touchers furtifs.
    « Une voisine, sans doute », songea-t-il.
    Jacques constata que l’homme conservait toujours une bonne distance avec la femme. La conversation les forçait tout au plus à ralentir un peu le pas. Quand ils s’arrêtèrent tout à fait pour se faire face, le garçon s’esquiva vers la gauche pour se réfugier dans un bosquet. A travers les feuilles, il les vit faire demi-tour.
    Continuer deviendrait trop dangereux. Il décida de couper à travers l’espace gazonné pour rentrer tout de suite rue Scott.

    *****
    Étendue dans son lit, Eugénie avait entendu la porte d’entrée s’ouvrir et se fermer une première fois, puis une seconde. Son espion s’était mis en chasse. Les yeux au plafond, elle leva doucement un bras pour regarder sa montre, puis le reposa le long de son corps. Elle essayait de faire le vide dans son esprit, pour que son cinéma intime ne lui projette pas un film insupportable.
    De vieilles lectures d’adolescence lui revenaient en mémoire, des histoires glauques de personnes enterrées vivantes. Ces réminiscences tenaient à l’encombrement de ses poumons. Il lui semblait être dans un espace clos, à l’air raréfié. Si elle tentait d’inspirer de toutes ses forces, cela n’y changeait rien. Elle devait tâcher de ne pas bouger, d’économiser ses énergies, de respirer lentement, de vider son esprit, de se concentrer sur une petite craquelure dans le plâtre du plafond.
    De nouveau, le bruit de la porte d’entrée se fit entendre.
    Elle regarda sa montre une autre fois.
    — Je peux faire quelque chose pour vous, madame Dupire ?
    Garde Murphy se tenait assise dans l’un des fauteuils et lisait.
    Ses journées se passaient à parcourir des revues et à offrir son aide. Bientôt, elle paierait un peu plus de sa personne, quand sa patiente ne pourrait plus se rendre aux toilettes, se laver ou encore tenir une cuillère.
    — Non, pas vraiment, Gladys. Mon mari vient de revenir, je pense.
    — Sa promenade n’a pas été bien longue. Il fait pourtant si beau. N’aimeriez-vous pas que je vous aide à descendre dans le jardin ? Vous avez une jolie chaise longue.
    L’infirmière s’imaginait dehors. L’air devenait chargé dans la maison. L’odeur de la maladie... ou plutôt de la mort, déjà.
    — Non, peut-être demain. Je me sens toujours plus forte le matin.
    Un peu plus tard, la porte se referma encore. Jacques avait pris soin de revenir avant Fernand.

    *****
    Le vendredi précédent, Jacques n’avait pu rendre compte de sa filature à la malade. Monter dans sa chambre ne se faisait pas, et de toute la journée du samedi, le notaire ne bougea pas de son bureau.
    Le lundi, au dîner, la pauvre femme se présenta à la salle à manger, appuyée sur le bras de l’infirmière. Fernand se leva pour tirer la chaise de son épouse.
    — Je suis heureux que tu puisses te joindre à nous, murmura-t-il en l’aidant à s’asseoir.
    — Sans cet escalier, les choses seraient plus faciles.
    L’homme la contempla, curieux de voir si elle réclamerait de s’installer dans les quartiers de la vieille madame Dupire.
    Il devenait difficile de savoir laquelle des deux pouvait affronter la vingtaine de marches en souffrant le moins.
    — Je pourrais aussi t’aider, proposa-t-il.
    — Tu me porterais pour remonter ?
    Eugénie fixait sur lui ses grands yeux bleus surpris.
    — Pourquoi pas ?
    — ... Remarque, c’est vrai que je ne dois plus être très lourde.
    Au gré des dernières semaines, son cou était devenu plus maigre, ses mains plus fines avec des doigts comme les pattes d’un insecte. Ses ongles prenaient une teinte un peu bleutée.
    La robe en mousseline blanche tombait sur son corps amaigri.
    Lentement, elle devenait l’ombre d’elle-même.
    — Alors, si tu souhaites te livrer à cet exercice tout à l’heure, ce sera bienvenu, conclut-elle.
    Gloria prit ces mots comme le signal de servir la soupe.
    Tout le monde remarqua une place toujours inoccupée, même si un couvert attendait.
    — Je ne pense pas que Charles se joigne à nous à midi, dit Fernand. Si j’ai bien compris, il participe à un jeu de piste sur les plaines d’Abraham. Il s’agit de

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