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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Si tu préfères passer la semaine avec moi, cela ne pose aucun problème. Cela m’évitera d’aller manger au restaurant tous les soirs.
    — A ce compte, tu ferais mieux de garder la cuisinière ici.
    — Je ne voudrais pas vous en priver. Et puis tu as acquis une certaine expérience lors du passage dans la maison de notre charmante Gaspésienne.
    Les mots s’accompagnèrent d’un sourire ironique. Les compétences culinaires de son épouse se limitaient toujours à la préparation de sandwichs, d’œufs durs et d’omelettes.
    Cet échange représentait déjà pour eux une longue conversation. L’exiguïté du véhicule de même que la proximité physique prédisposaient aux confidences.
    — Tu ne m’as pas parlé de ta rencontre avec le médecin, hier.
    — Quelle affreuse petite prétentieuse elle fait ! Bien sûr, en sortant ainsi de sa condition...
    — Parles-tu du fait qu’elle soit devenue médecin, ou de sa mère marchande ?

    — Les deux.
    Le véhicule s’engagea dans l’avenue Dufferin. La gare du Palais se trouvait dans la Basse-Ville.
    — C’est une façon de voir les choses, glissa le gros homme. Je ne commenterai pas le statut des femmes en médecine. D’un autre côté, son beau-père est devenu ministre du cabinet Taschereau. Sa mère, que je connais un peu pour l’avoir eue comme cliente, présente des qualités certaines. Sa condition me semble en conséquence aussi noble que la tienne, cela d’autant plus que c’est ta cousine !
    Eugénie se renfrogna d’abord, puis accepta de répondre à la question première :
    — Elle m’a dit de marcher un peu. Pour soigner ma fatigue, elle conseille de me fatiguer davantage.
    — Cela ne me semble pas une mauvaise idée. J’essaie de parcourir un mille ou deux tous les jours, parfois un peu plus. Je ne m’en porte que mieux.
    Fernand disait vrai. Surtout, il affichait une sérénité tranquille, celle de l’homme qui a trouvé le moyen de redonner un certain équilibre à sa vie.
    — Mais toi, tu ne ressens pas toujours cet épuisement.
    Pour ceux qui ne l’éprouvent pas, cela devient impossible à comprendre.
    — Oui, bien sûr.
    Il ne désirait pas la contredire sur ce sujet, ni sur aucun autre. Depuis deux ans, l’absence de Jeanne entraînait une certaine
    détente
    dans
    la
    maison.
    Mieux
    valait
    prolonger cet étrange armistice, ne rien changer à leurs rapports.
    Après un long silence, elle commença :
    — Il y a toutes ces années, je suppose que cette fatigue a entraîné notre... mode de vie. Après les grossesses répétées, je me trouvais si fatiguée.
    Depuis le moment où elle avait décidé de faire chambre à part, Eugénie abordait le sujet pour la première fois.
    — Je garde un autre souvenir des événements. Alors, tu invoquais bien sûr des motifs de santé, en citant le docteur Hamelin, mais il y en avait d’autres aussi, bien différents.
    — ... Je ne savais peut-être pas très bien ce que je faisais.
    Cette fatigue, justement. Puis ensuite, il y a eu ton histoire avec cette...
    La femme préféra s’interrompre, faute de trouver le bon mot.
    —Je me demande pourquoi tu as envie de parler de ce sujet de nouveau, dit Fernand. Tu as eu ta petite victoire en chassant celle que tu ne peux même pas nommer.
    Des larmes perlaient à la commissure des yeux de sa compagne. Elle les refoula car, après toutes ces années, son mari y serait totalement insensible.
    — Selon mon confesseur, je pèche gravement en te refusant les avantages du mariage.
    — Et pour sauver ton âme, tu voudrais m’accueillir de nouveau dans ta chambre... Il y a des motifs plus romantiques pour faire des avances à un homme.
    — Nous sommes mariés. Maintenant que cette femme...
    — Jeanne. Elle s’appelle Jeanne.
    Eugénie hocha la tête puis, vaincue, elle recommença :
    — Maintenant que Jeanne n’est plus dans la maison, nous pourrions reprendre les choses où nous les avons laissées.
    La surprise fut si grande que l’homme réduisit la vitesse de son véhicule, perdu dans ses pensées. Il pesa ses mots avant de rétorquer :

    — Tu pourras expliquer de ma part certaines réalités de la vie conjugale à ton confesseur. D’abord, tu lui raconteras sans cachette nos relations depuis la période avant notre mariage.
    — Il le sait... Au sujet de l’enfant, en 1909, je lui ai tout dit. — Tu lui as raconté aussi ton dédain à l’égard de mon corps ? Le mépris que tu exprimais, que tu exprimes encore

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