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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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personnel de la cathédrale. Puis Dupire est un homme bien.
    — Il est marié.
    — Oh ! Son choix de conjointe laisse à désirer, j’en conviens. Tu te souviens quand elle fréquentait la maison, il y a vingt ans : une affreuse pimbêche. Mais on ne peut pas lui en tenir rigueur toute sa vie.
    Madame Caron n’arrivait jamais à se mettre en colère contre son mari. Au mieux, elle faisait semblant.
    — Il est marié, répéta-t-elle avec l’ombre d’un sourire.
    — Je sais. Mais visiblement, il aime ma fille et cela semble être réciproque. Alors, j’ai envie de lui pardonner ce petit défaut.
    — Elle risque de perdre sa réputation.
    — Je ne pense pas. D’un côté, ils sont discrets. De l’autre, nos voisins ne sont pas de parfaits imbéciles. Elise est veuve depuis dix ans. Elle n’a pas repoussé une douzaine de bons partis pour le plaisir de donner des coups d’épingle dans le contrat de mariage d’un autre. Elle n’a pas eu de chance, tout simplement. Et la situation de Dupire n’est pas meilleure.
    La chose relevait du mystère, ou peut-être des bavardages des domestiques.
    Dans
    le
    quartier,
    tout
    le
    monde
    semblait au courant des déboires conjugaux du gros notaire.
    — Ce que je crains le plus, finit par admettre la bonne dame, c’est que la situation nuise à la réputation d’Estelle.
    Tu sais combien les gens peuvent être cruels, dès que les moeurs d’une personne prêtent à la critique.
    — Voyons, notre grande fille est irréprochable. Tu l’as entendue tout à l’heure, à propos de Chouinard.
    — Ça, je le sais très bien. Mais quand il s’agit de critiquer la moralité de quelqu’un, certaines vieilles dames sont capables de remonter trois générations.
    — Je pense que tu t’en fais pour rien.
    Tout de même, en se couchant, le docteur Caron tournerait quelques fois sur lui-même dans son lit. Cette évocation le troublait un peu.

    Chapitre 6

    La succursale de la Banque nationale se situait dans la 3e Avenue, près de l’intersection de la 6e Rue. Il s’agissait d’un petit édifice d’un seul étage, au recouvrement en brique d’un rouge foncé. Sur la façade, de fausses colonnes en relief s’avéraient du plus mauvais effet. L’imitation de la grandeur confinait toujours à la médiocrité.
    Fulgence Létourneau arriva à l’heure convenue. Une employée lui permit de passer le portillon pour accéder à l’antichambre du bureau du directeur. Elle revint ensuite très vite à son guichet, auprès de sa collègue.
    Après quelques minutes passées à tourner son chapeau de feutre entre ses doigts pour réduire son impatience, le visiteur put enfin passer dans le saint des saints.
    — Je m’excuse de vous avoir fait attendre, déclara Gérard Langlois en désignant la chaise vide devant son bureau, mais je n’avais pas encore eu le temps de terminer de lire votre plan d’affaires.
    Depuis l’époque où il courtisait Françoise Dubuc tout en pestant contre l’ombre de Mathieu Picard toujours présente entre eux, il avait pris une certaine assurance. Jeune directeur de succursale, il se tenait bien droit, élégant dans son veston tout récent.
    — Vous avez fait un très bon travail, très précis, avec une estimation raisonnable de tous les coûts, commença le banquier en reprenant son siège. Maintenant, j’aimerais vous entendre me parler de vos projets.

    — Comme je vous le laissais entendre au téléphone et dans le document, monsieur Picard veut vendre ses ateliers.
    — A vous lire, on comprend pourquoi. Les profits sont en baisse depuis des années.
    — Mais seulement parce qu’il a cessé de faire les investissements nécessaires.
    Gérard contempla son visiteur. L’homme ne payait pas de mine. Petit, maigre au point de paraître émacié, des tics nerveux agitaient ses lèvres. Les emprunteurs paraissaient toujours un peu honteux devant lui ; celui-là l’était plus que les autres.
    — Visiblement, il s’est totalement désintéressé de cette affaire, conclut le banquier. Une chose m’intrigue : pourquoi ne pas s’en être départi plus tôt? C’était comme laisser dormir un petit capital, en quelque sorte.
    Ce constat n’avait rien d’encourageant pour le client.
    Fulgence réussit à dire :
    — Avec un prêt, je serais en mesure de tout relancer.
    — La propriété, les machines, cela représente une très forte somme. Vous avez des garanties ?
    Comme son interlocuteur demeurait silencieux, il dut

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