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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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allaient sortir quand celle-ci vint les rejoindre, une enveloppe décachetée à la main.
    — Comme je ne te vois à peu près jamais, j’oubliais.
    C’est le compte relatif aux assurances de la famille. Tu trouveras le temps de t’en occuper, j’espère.
    — Bien sûr, dit son mari en plaçant la facture dans la poche intérieure de sa veste.
    Après de nouvelles salutations, les deux hommes se mirent en route.

    *****
    Jacques attendit qu’ils aient parcouru une trentaine de verges avant de dire :
    — Tu ne pourras pas garder la situation secrète bien longtemps encore. Au magasin, hier, tout le monde discutait de la fermeture des ateliers. Depuis que tu as annoncé la chose aux employés, la nouvelle est commentée dans toute la Basse-Ville. Comme de raison, quatre-vingts futurs chômeurs, cela ne peut pas demeurer inaperçu.
    — Non, pas tout de suite.
    — Si elle l’apprend par hasard...
    Le garçon n’alla pas plus loin. Bien sûr, si elle constatait avoir été tenue dans le secret d’un pareil développement, cela entraînerait une révolution domestique.
    — Je ne veux pas lui parler du problème sans avoir une solution. Là, je devrais lui dire que je vais perdre mon emploi...
    — Papa ! Il t’en a offert un autre.
    — Chef de rayon ! Je le lui dirai quand je pourrai ajouter que je deviendrai propriétaire de ma propre entreprise.
    Peut-être si vive parce qu’elle lui venait tardivement, cette ambition naïve le tenaillait jour et nuit depuis maintenant deux semaines.
    — La banque ?
    Le jeune homme devinait que la démarche de la veille avait échoué, même si son père ne lui avait rien dit encore.
    Dans le cas contraire, Fulgence se serait précipité pour se confier.
    — Pour obtenir un prêt, je devrais posséder plus que je ne demande.
    Le dépit marquait sa voix.
    — Tu te rends compte... J’étais prêt à supplier un gars presque deux fois plus jeune que moi de me donner une chance.
    Le découragement... Non, plutôt la crainte du changement l’amenait à tout dramatiser.
    — Ces histoires dans le journal, reprit le garçon, ça n’a pas de bon sens. On ne trouve pas de quoi acheter une entreprise dans les petites annonces.
    — Je te l’ai dit, je n’en sais rien. M’informer sur certaines propositions, ou bien publier la mienne ne pourra pas me faire de mal.
    — Toutes ces histoires doivent être frauduleuses.
    Le garçon craignait que, sur un coup de tête, son père transforme une rétrogradation difficile en une situation désespérée.
    — Ne peux-tu pas me faire un peu confiance ? Je ne suis pas un total abruti, tu sais.
    Sur ces mots, ils se séparèrent bientôt, le père bifurquant vers la Pointe-aux-Lièvres, le fils continuant vers le magasin PICARD, de l’autre côté du pont Dorchester. Aucun des deux n’avait remarqué la présence de Germaine Huot au coin de la rue. Elle espérait faire le trajet avec Jacques, mais en le voyant absorbé dans une conversation, elle n’avait pas osé signaler sa présence.
    Après avoir rencontré des patients en matinée, Thalie abandonna le bureau au désagréable docteur Chouinard pour descendre vers la Basse-Ville en empruntant un escalier débouchant tout près de l’extrémité de la rue de la Couronne. Elle apprécia au passage l’ampleur des tout nouveaux locaux du journal Le Soleil. Le soutien du Parti libéral lui donnait les moyens de jouir de bureaux fastueux.
    Même si de nombreux commerces se situaient dans la rue Saint-Jean, ceux de la rue Saint-Joseph demeuraient les plus importants. Son périple commença au magasin Légaré, une grande bâtisse sise à l’est de l’artère commerciale. Si l’entreprise vendait des instruments aratoires grâce à un catalogue distribué dans les campagnes, l’édifice de la Basse-Ville offrait à peu près tous les produits destinés à la maison.

    Après avoir parcouru le rayon des meubles quelques minutes, un commis d’une vingtaine d’années vint vers elle.
    — Madame, comment puis-je vous aider?
    Son métier exigeait un sens aigu de l’observation. Il se corrigea très vite :
    — Mademoiselle, plutôt. Je m’excuse.
    A cette heure de la journée, le médecin s’autorisait à ne pas mettre de gants. Sa main gauche trahissait son statut matrimonial.
    — Ce n’est rien. Je regardais ces ensembles de salle à manger. Cela ne me convient vraiment pas. Mon nouvel appartement sera tout petit.
    L’autre continuait son examen à la dérobée. Pour une

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