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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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matériaux de construction.
    Partout, on bâtissait de nouveaux édifices, ou alors on agrandissait et réaménageait les anciens.
    Alors qu’elle était tout à ses réflexions sur l’aménagement de son
    nouvel
    appartement,
    ses
    yeux
    captèrent
    une
    grande silhouette dans la boîte d’un camion. Le propriétaire devait avoir omis d’enclencher le frein à main, car le véhicule commença
    à
    reculer.
    Il
    s’immobilisa
    soudainement
    quand les roues arrière cognèrent une butée en ciment.
    Le travailleur dans la boîte fut déséquilibré. Si en s’accrochant à des arceaux en métal, il évita de chuter vers le sol la tête la première, il se retrouva tout de même étendu sur le dos, totalement sonné. Au pas de course, Thalie s’engagea dans l’arrière-cour du commerce de matériaux de construction.
    — Monsieur, êtes-vous blessé ? demanda-t-elle.
    L’autre secoua d’abord la tête en essayant de s’asseoir, puis il laissa échapper un cri.
    — Ma jambe...
    La voix était un peu rauque, comme s’il avait du mal à retrouver son souffle. Un employé sortit du commerce, soucieux de venir aider au déchargement de la cargaison.
    Toute l’attention du médecin se portait maintenant sur le membre inférieur gauche. Le camion transportait de fines tiges d’acier utilisées pour armer le béton. En tombant, l’homme en avait heurté une. Elle avait déchiré la chair à l’intérieur de la cuisse.
    Une artère avait été atteinte, à en juger par le flot de sang s’échappant de la blessure. D’un geste énergique, Thalie agrandit considérablement l’ouverture dans la jambe du pantalon de velours côtelé, les mains déjà poisseuses de sang. La coupure, longue de quatre pouces peut-être, ne semblait pas trop grave en elle-même. Le danger venait de l’hémorragie. A l’aveugle, elle enfonça le bout des doigts de sa main droite dans la chair ouverte, chercha le vaisseau pour le pincer énergiquement. La mort viendrait bien vite si elle ne pouvait interrompre le flot.
    L’homme grogna de douleur et fit mine de la repousser.
    Elle l’arrêta d’un regard autoritaire.
    — Vous, dit-elle à l’employé debout dans le cadre de la porte arrière de la quincaillerie, allez appeler une ambulance.
    Maladroitement, de la main gauche, elle cherchait à détacher la boucle de sa petite ceinture en cuir. L’employé restait immobile, les yeux fixés sur la scène.
    — Bon Dieu ! Vous êtes sourd, ou quoi ? Allez téléphoner à une ambulance, si vous ne voulez pas le voir crever sur place !
    Les derniers mots le sortirent enfin de sa torpeur. Il disparut dans le commerce.
    — Vous, vous avez une belle façon de me rassurer, grommela le blessé.
    Pour la première fois, elle porta les yeux vers la tête de son interlocuteur. Trente ans tout au plus, grand et robuste, il avait noué un foulard rouge autour de son cou, pour empêcher la sueur de couler dans l’encolure de la chemise.
    Si le visage présentait des traits réguliers, elle en remarqua tout de même la pâleur.
    — Pour faire bouger ce genre de curieux, on finit par dire des sottises.
    En parlant, elle avait enfin réussi à défaire la boucle de sa ceinture. Elle tirait sur le côté afin de la sortir des ganses.
    Mais à genoux dans la poussière, penchée vers l’avant contre les cuisses masculines écartées, les doigts serrés sur l’artère, elle n’y arrivait pas.
    — Aidez-moi à l’enlever. Je dois faire un garrot.

    L’homme avança une main un peu tremblante et saisit la parure en cuir pour tirer un peu.
    — Vous pouvez certainement y mettre un peu plus de force.
    — C’est que je n’ai pas l’habitude de dévêtir les femmes que je ne connais pas.
    Thalie porta les yeux vers ceux du blessé, appréciant le petit sourire ironique sur ses lèvres.
    — Il faut tout de même une première fois, sinon vous n’en connaîtrez pas une seconde.
    De nouveau, elle évoquait son décès. Cela convainquit l’homme d’y aller sans ménagement. Il tira de toutes ses forces, à tel point que la jeune femme tomba à demi assise dans la poussière. La main masculine se déplaça dans son dos pour dégager la pièce en cuir. Puis, d’un coup, il la libéra en déchirant la dernière boucle de tissu.
    —Voilà, dit-il en lui remettant la ceinture.
    —Je vais devoir lâcher prise, le temps de l’attacher.
    La main droite abandonna l’artère. Tout de suite un jet de sang gicla, décrivant une ligne écarlate sur

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