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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de laisser son travail. De toute façon, il a diminué le nombre de ses heures de consultation, récemment.
    — Car il tire un petit revenu en vous louant un bureau, à toi et à Chouinard.
    Elles étaient toutes les deux passées dans la cuisine, une pièce assez grande pour y installer une petite table carrée et deux chaises. Tous les murs de l’appartement étaient peints en blanc, ou alors recouverts d’un papier peint très pâle, avec de petits motifs floraux. Cela donnait aux pièces une impression de grandeur, de fraîcheur.
    — Tu seras très bien ici, conclut Elise. Tu n’as pas pensé à prendre une pièce de plus pour loger ton cabinet ?
    — Les propriétaires ne paraissaient pas chauds à l’idée.
    De plus, je me demande si confondre la maison et le lieu de travail est bien sain.
    — Papa vit cette situation plutôt bien.
    — Avec sa famille tout à côté. Cela l’aide certainement à se détendre un peu.
    Toutes les deux revinrent dans le salon pour se planter de nouveau devant la fenêtre.
    — Je ne vais pas le laisser tomber d’ici quelques années.
    Ensuite, je verrai. Mais tu ne m’as pas répondu tout à l’heure. Estelle aimerait-elle occuper un emploi ?
    — Je crois que oui... En fait, elle voudrait certainement gagner de quoi payer ses dépenses quotidiennes. Tu sais, il y a quelque chose de très gênant dans le fait de demander à papa de quoi aller au cinéma, ou alors dans un café. Mais d’un autre côté, son grand-père serait un peu peiné de la voir s’astreindre à cela.
    Thalie hocha la tête. À certains égards, le docteur Caron se montrait très moderne. A d’autres, son attitude demeurait conservatrice. Ses valeurs exigeaient qu’il subvienne à tous les besoins des femmes habitant la maison.
    — Les affaires vont très bien pour tout le monde.
    Maman saurait sans doute utiliser ses services.
    — Voyons, elle a tout son personnel.
    — Des jeunes filles qui vont d’un emploi à l’autre, avec l’espoir de trouver mieux... Depuis plus de dix ans, la boutique ALFRED se fait une spécialité de recruter des filles de notables pour vendre ses dentelles. Une de plus ne la rebuterait pas, je t’assure. Amélie la quittera dès sa première grossesse.
    — Je me demande comment papa prendrait la chose...
    Un moment, Elise essaya d’imaginer si cet emploi ne lui conviendrait pas plutôt à elle. L’idée la fit sourire.
    — Ecoute, précisa Thalie, je ne suis pas en service commandé. D’un côté, j’entends maman se plaindre de ces jeunes vendeuses qui désertent après quelques mois, tout au plus un an. De l’autre, je ne pense pas qu’Estelle rêve d’attendre le bon parti en brodant au coin du feu.
    — Papa...
    — Son image auprès de ses voisins de la rue Claire-Fontaine l’inquiète peut-être : sa petite-fille dans un magasin... Si cela peut le
    rassurer,
    maman
    embauche
    la
    fille
    d’un
    ministre du cabinet Taschereau.
    — Sa belle-fille.
    Son interlocutrice lui présentait un sourire moqueur.
    — Bien sûr, dans la discussion, ne commence pas par présenter cet argument. Bon, allons-y. Moi, je n’ai fait que soumettre l’idée.
    En quittant l’appartement, Thalie détacha une copie de la clé d’un anneau et la tendit à son amie.
    — Comme cela, tu pourras entrer et sortir à ta guise.
    Dans un instant, je vais avertir le gardien. Il se souviendra de toi et te laissera passer.
    Au rez-de-chaussée, elle fit comme prévu. Au cours des prochains jours, quand son amie serait au Jeffrey Haie, elle se chargerait d’accueillir le menuisier à son arrivée et fermerait dans son dos en fin de journée.

    *****
    La famille Dupire résidait à Saint-Michel-de-Bellechasse depuis six semaines déjà. Fernand avait prévu de passer une dizaine de jours avec les siens. Au début d’août, une grande proportion de ses clients partait en vacances et l’étude fonctionnait au ralenti.
    La grande maison offrait toujours le même niveau de confort un peu rustique. Les enfants s’en arrangeaient fort bien. L’éclairage avec des lampes à pétrole et les latrines au fond de la cour pimenteraient leurs récits de l’été lors de leur retour en classe.
    Comme les années précédentes, Antoine disparaissait tôt le matin pour ne revenir qu’après la traite des vaches.
    Les deux autres enfants passaient leurs journées en longues promenades, ou alors à des jeux sans cesse réinventés autour de la maison.
    — Nous allons manger des cerises ?

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