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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bras :
    — Que va devenir ton père ?
    — Picard lui a promis un emploi de chef de rayon.
    — C’est bien. Il y en a quelques-uns âgés de soixante ans et plus, certains se rapprochent des soixante-dix. Ils doivent penser à la retraite.
    Le garçon l’incita à s’arrêter devant le cours boueux de la rivière Saint-Charles. Les ateliers se dressaient tout juste de l’autre côté de la rive. Il les contempla une courte minute.
    — Cela ne lui plaît pas du tout. Tu comprends, là-bas, il est le patron.
    Sa compagne hocha la tête. Pour elle, parce qu’ils portaient veston et cravate, les responsables des rayons se qualifiaient aussi parmi les boss.
    — Il a dirigé jusqu’à deux cents personnes pendant la guerre, expliqua Jacques en suivant le cours de ses pensées.
    Plus de monde que dans le magasin au complet. Cet automne, au mieux, il aura dix employés.
    Elle hocha la tête en se remettant en marche à ses côtés.
    — Pour toi, cela changera quelque chose ?
    Elle connaissait déjà assez son compagnon pour deviner que le sort des autres ne suscitait pas de bien grandes inquiétudes chez lui.
    — Je me demande si je pourrai me rendre au terme de mes études. L’université coûte très cher. Si son revenu connaît une chute importante...
    De sa main gauche, elle caressa son bras, comme pour le rassurer.
    — Tu es déjà très instruit, plus que la plupart des garçons de la paroisse.
    Il eut envie de répondre que ces garçons se révélaient d’une ignorance crasse, au point de rendre la comparaison insultante pour lui. Mais cela ne servirait à rien, elle ne comprendrait même pas.
    — Je veux devenir avocat, se contenta-t-il de dire.
    Après un autre tour de la presqu’île, le jeune homme s’arrêta près d’un bosquet un peu plus dense.
    — Nous allons de ce côté ? demanda-t-il.
    Germaine rougit un peu dans la pénombre. Pour la première fois de sa vie, un garçon lui proposait de se soustraire aux regards des
    autres.
    Des
    compagnes
    de
    travail
    un
    peu plus âgées avaient évoqué à mots couverts ce genre d’expérience. Elle hocha la tête, le bas-ventre un peu lourd tout d’un coup.
    Le couple passa sous les frondaisons. Il se trouvait à peine hors de vue quand le garçon effectua un demi-tour devant elle, puis se pencha pour poser ses lèvres sur les siennes. Elle se raidit, songea à protester, mais s’abstint de peur de passer pour une petite sotte.

    La bouche masculine demeura un moment immobile, puis amorça un mouvement pendant que les deux mains se posèrent sur sa taille. La tête un peu rejetée en arrière, elle sentit ses jambes sur le point de se dérober. C’était cela, le fruit défendu, le péché de la chair, l’obsession de tous les confesseurs, tout comme celle des animateurs de retraites fermées. La jeune femme hésitait entre le désir de s’abandonner et la conviction de devoir se révolter, gifler ce tentateur et prendre la fuite pour ne jamais le revoir.
    «Un baiser ne peut pas être péché mortel», se dit-elle.
    Mais il n’y avait pas que le baiser. Les mains sur ses flancs aussi amorçaient un mouvement caressant, de ses hanches jusque sous ses bras. Elle sentait les pouces effleurer doucement les côtés de ses seins...
    — Non, refusa-t-elle en posant ses mains sur la poitrine du garçon pour le repousser, le corps maintenant rigide comme un morceau de bois. Il ne faut pas, c’est mal.
    Son compagnon garda ses mains sur ses côtés. Pour arrêter la caresse, elle dut saisir ses poignets et les tenir fermement.
    — Voyons, tout le monde fait ça, ce n’est pas bien grave.
    Elle avait senti son érection contre son ventre.
    — Ne fais pas ta rabat-joie, insista-t-il. Nous ne sommes plus au temps de tes parents, avec les crinolines, les corsets et la morale guindée.
    — Les femmes respectables ne font pas des choses comme ça, protesta-t-elle, la voix un peu chevrotante.
    Insister ne servait à rien. Un bruit dans les buissons amena une véritable terreur dans l’âme de sa compagne.
    — Il y a des gens. Je m’en vais.
    Elle fit trois pas pour rejoindre l’allée. Jacques s’empressa de la rattraper.
    — Ne le prends pas comme cela. Tu es si jolie. Je ne peux pas résister.
    Il saisit son bras, elle se raidit au contact, mais ne tenta pas bien fort d’y mettre fin.
    — Je te croyais un peu plus mature, commenta-t-il encore.
    Elle se sentit piquée au vif, comme s’il faisait insulte à sa féminité. Quand ils

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