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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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lui paraissait en être la preuve.
    — As-tu rencontré le notaire Dupire, le vieux ?
    — ... Deux fois. A la signature du contrat, puis une autre fois, lorsque Thomas Picard est mort. Les chèques n’arrivaient plus. Cela s’est replacé au moment où le bonhomme a trouvé un nouvel intermédiaire, sans doute.
    — De nouveau, je trouve cette histoire compliquée.
    Son interlocutrice haussa les épaules, comme pour dire :
    «Je ne distribue pas les rôles, dans cette comédie. » Puis, elle se leva en annonçant :
    — Maintenant, je monte me coucher. Je tiens à profiter de mon grand lit avant qu’un inconnu se glisse dedans.
    — Encore un mot : pourquoi Fulgence gardait-il ces lettres dans son bureau ?
    — Son motif ne te paraît pas évident ? Tu es curieux, je savais que, tôt ou tard, tu mettrais la main dessus. Je lui ai demandé de les faire disparaître. Son romantisme a eu le dessus, il les a gardées.
    — Mais j’avais le droit de savoir. C’est ma vie, après tout.
    — Le droit ? Tu le penses vraiment ?
    Debout près de la table, la femme le regarda longuement.
    — Eh bien, maintenant, tu sais. Te sens-tu mieux pour autant ?
    Son regard dans le sien, il demeura silencieux.
    — Bien sûr que non, tu ne te sens pas mieux, répondit-elle à sa place. Je ne pense pas que Fulgence et moi avons été les meilleurs parents de la ville, mais nous nous tirions mieux d’affaire que celle qui t’a abandonné.
    — Je ne vous fais aucun reproche, sauf celui de m’avoir caché la vérité sur mon adoption.
    — Et d’avoir accepté de l’argent.
    La femme touchait juste. Aux yeux du garçon, cela lui donnait l’impression d’un amour mercenaire, comme avec une prostituée, en fait. Il afficha l’esquisse d’un sourire, pour lui mentir :
    — Non, au contraire, vous avez bien fait. Cela me permettra de faire des études universitaires, n’est-ce pas ?
    Autrement dit, lui-même profiterait de la contribution soigneusement mise de côté par Fulgence. Tous les deux venaient de sceller une entente pour les années à venir. Sur cela, la femme gravit l’escalier de son pas pesant. A table, Jacques resta un long moment immobile. Toute cette histoire nourrissait en lui une colère sourde... sans qu’il sache contre qui la diriger.

    Chapitre 15

    Malgré ses inquiétudes, au retour de Saint-Michel-de-Bellechasse à la fin de la belle saison, Eugénie avait tardé avant de prendre rendez-vous avec son nouveau médecin.
    En réalité, elle souhaitait se préparer à entendre les vérités peut-être cruelles qui lui seraient révélées.
    — Madame, commenta Thalie en parcourant le petit carnet apporté par la malade, vous l’avez constaté en prenant ces notes, vos pertes de sang ne s’accordent pas à votre cycle.
    — Vous avez raison. Qu’est-ce que cela veut dire ?
    — Nous aborderons ce sujet dans un instant. D’abord, j’aimerais vous examiner de nouveau. Si vous voulez passer à cote...
    — ... pour me dévêtir. Je commence à en avoir l’habitude.
    La patiente lui adressa un sourire narquois en se levant.
    Même avec une femme, ces procédures lui étaient pénibles.
    L’omnipraticienne lui laissa le temps de passer derrière le paravent, pour la rejoindre au moment où elle s’étendait sur la table.
    — Je vais tenter de voir si je sens une anomalie dans votre utérus. Dites-moi si vous ressentez une douleur.
    Lentement, du bout des doigts, elle parcourut la surface du ventre, pesant doucement partout.
    — Je ne sens rien. Si vous voulez mettre vos pieds dans les étriers.

    Eugénie s’exécuta en serrant les mâchoires. Elle toléra en grimaçant l’insertion du spéculum. Le stéthoscope sur son cœur et ses poumons se révéla presque agréable, après cela. De nouveau, le battement parut un peu emballé, le pouls trop rapide.
    Une fois rhabillée, elle reprit la place réservée aux visiteurs, les deux mains crispées sur son sac, le visage anxieux.
    — Les saignements si fréquents tiennent sans doute à la présence d’un myome dans votre utérus. Cette... masse fragilise la muqueuse.
    Afin de ne pas affoler cette femme, elle avait évité le mot
    «tumeur». Même suivi du qualificatif «bénigne», chez tous, il évoquait trop le cancer.
    Comme sa patiente arquait les sourcils, elle se reprit :
    — Souvent, les gens parlent de fibrome utérin.
    — ... C’est très grave, glissa Eugénie, la voix blanche.
    — En réalité, non. Cela afflige une femme sur cinq

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