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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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d’un homme mort sans avoir payé son assurance sur la vie.
    Pareille négligence lui apparaissait maintenant comme un ultime acte de vengeance. Fulgence lui faisait payer leurs échanges aigres-doux, nombreux au fil des ans.
    — En lisant l’annonce, j’avais fait le lien avec les funérailles. Je n’y ai pas assisté, je travaillais ce jour-là.
    Il paraissait s’en excuser.
    — Vous habitez dans la paroisse ?
    — Oui, dans la 6e Avenue. Il y a une maison de chambres juste en face du couvent.
    Thérèse hocha la tête, puis demanda, sans gêne :
    — Pourquoi voulez-vous quitter cet endroit ?
    L’autre baissa les yeux, puis accepta de révéler un peu de sa vie privée :
    — Je suis allé là à la mort de ma femme, il y a deux ans.
    Vous comprenez, je ne savais pas tenir une maison, faire des repas...
    — Dans cette pension, la propriétaire ne vous mettait tout de même pas aux cuisines ?
    — Non, bien sûr que non. Mais la présence de tous ces jeunes gens... En réalité, je désire une atmosphère plus familiale.'
    La matrone hocha la tête, incertaine du sens à donner à ces paroles.
    — La chambre se trouve en haut. En fait, j’en ai deux à louer, une petite et une grande.
    — ... J’ai déjà une petite chambre, que je veux quitter.
    Cela aussi figure parmi mes motifs pour déménager.
    L’instant suivant, le petit homme montait l’escalier à la suite de la propriétaire des lieux.
    — Voilà, dit-elle en ouvrant la porte de la pièce donnant sur la rue.
    L’inconnu entra et reconnut tout de suite une chambre conjugale, ce qui le mit mal à l’aise. Un grand lit encombrait une partie de la pièce, tandis qu’un fauteuil se trouvait à l’autre extrémité. Fulgence y avait passé plusieurs nuits complètes.
    — C’est votre chambre, madame, dit-il à voix basse.
    — Plus maintenant, puisque je suis contrainte de la louer.
    — Evidemment, je serai mieux ici que dans la 6e Avenue.
    Puis c’est plus près de mon travail.
    — Où est-ce ? Je veux dire, pour qui travaillez-vous ?
    Thérèse saisissait l’occasion au vol, soucieuse de s’assurer de sa solvabilité.
    — Je tiens les livres au garage Légaré, au coin des rues Saint-Paul et Vallières.
    — Vous réparez des automobiles ?
    Des yeux, elle cherchait ses mains, afin de voir s’il ne gardait pas des traces de graisse à moteur sous les ongles.
    — Moi, je m’occupe des livres, répéta-t-il, un peu vexé de la voir le soupçonner de se livrer à une occupation manuelle. Nous vendons des Nash, des Hudson, des Essex...
    — Je ne connais pas les voitures, mais cela doit être bien intéressant, pour un homme.
    Soulignées d’un sourire, ces paroles servaient à faire amende honorable. Elle enchaîna :
    — Dans une pièce comme celle-ci, vous pourriez prendre vos aises.
    De la main, elle désigna une commode, se donna la peine d’ouvrir la porte de la garde-robe.
    — Vous n’avez pas indiqué de prix, dans le journal.
    Thérèse s’était permis de téléphoner dans une demi douzaine de pensions de Québec, et dans autant de familles prenant des locataires, pour avoir une idée de la somme à exiger. Lorsqu’elle annonça un montant, l’autre ne sourcilla pas. Tout de suite, elle regretta de ne pas avoir demandé un peu plus.
    — Où se trouve la salle de bain ?
    — Au bout du couloir. Je vais vous montrer.
    A côté de la chambre à coucher principale, une salle d’eau avait été aménagée. Elle ne comportait pas de baignoire.
    Seuls les maisons ou les appartements cossus profitaient de ce luxe.
    Tout
    de
    même,
    l’espace
    suffisait
    pour
    poser une grande cuve de zinc sur le sol.
    — Vous avez l’intention de recevoir de nombreux locataires ?
    — ... Deux. Puis, mon fils loge aussi à cet étage.
    La femme ouvrit la porte située juste de l’autre côté du couloir. La petite pièce contenait un lit étroit, une chaise et une commode.
    — Bien sûr, c’est trop exigu pour un homme comme vous. Mais peut-être un jeune...
    Le visiteur hocha la tête. En effet, il ne se contenterait pas de ce cagibi.
    — A côté, c’est mon fils. Il a dix-neuf ans. Il termine ses études classiques au Petit Séminaire cette année. Il veut devenir avocat.
    La confidence visait à impressionner le petit homme en lui offrant la chance de partager l’intimité d’une famille exceptionnelle. L’autre ne broncha pas, songeur.
    — Si vous voulez regarder la chambre de nouveau, moi je vais vous attendre en

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