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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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tous les livres et le papier dont tu auras besoin ici. Le reste ira dans le grenier.
    Moi, pendant ce temps, je vais descendre mon linge. Je te demanderai ton aide pour transporter tout à l’heure la commode la plus haute au rez-de-chaussée.
    — ... Mais où coucheras-tu ?
    — Dans la salle de couture.
    Désormais, elle vivrait en bas. Ce serait plus pratique avec des inconnus dans la maison, et moins intimidant que de les côtoyer à l’étage.
    — Tu n’auras pas assez de place, surtout en y mettant un nouveau meuble.
    — J’en aurai autant que toi. Tu vois, c’est le prix à payer pour que tu puisses terminer tes études en paix.
    Ces mots réduisirent de beaucoup la colère du jeune homme.
    — Dépêche-toi,
    conclut-elle,
    nous
    pourrons
    parler
    ensuite, si tu as encore le cœur à cela.
    Mieux valait suivre ses directives. La décision de sa mère était la meilleure, dans les circonstances.

    *****
    Faire passer leurs possessions d’une pièce à l’autre se déroula rondement.
    — Bon, ces beaux messieurs n’ont qu’à se présenter, maintenant ! déclara la bonne femme, les deux mains sur les hanches, en contemplant la chambre tout à fait vide.
    — Cela manque un peu de meubles.

    — En sortant du presbytère, je suis passée chez Cloutier, sur la 3e Avenue. Demain midi, il y aura là un lit, une petite commode, une chaise.
    Ce commerce vendait tout le nécessaire pour une maison, si l’on se contentait d’être les seconds, les troisièmes ou les dixièmes propriétaires.
    — J’ai aussi commandé un nouveau matelas pour le pet il lit, en bas.
    Le tout lui avait coûté une vingtaine de dollars, pas plus.
    Thérèse apprenait à gérer au plus serré. De son côté, Jacques la découvrait sous un nouveau jour. Elle savait s’adapter. Son premier accommodement avec la vie avait été de se contenter d’un petit homme malingre pour époux, des décennies plus tôt. Maintenant, elle apprenait à se passer de lui.
    — Alors, veux-tu toujours avoir cette conversation ?
    demanda la femme.
    — ... Oui. Peux-tu m’attendre dans la cuisine un moment? Je te rejoins tout de suite.
    Le garçon préférait mettre un étage entre eux au moment de récupérer les lettres sous son plancher. Un peu plus tard, il s’assit à côté d’elle à la table.
    — Dans les boîtes de papa, j’ai trouvé cette correspondance.
    Elle vient du cabinet du notaire Dupire. Dans chacune des enveloppes, il y a une copie de la réponse.
    Il décida de lui montrer la dernière, la plus explicite.
    — Elles ne sont pas toutes là. Je comprends qu’il y a dû en avoir trois par année, pendant dix-huit ans. Il en manque environ le tiers.
    La mère secoua la tête, comme affligée par tant de négligence de la part de son mari. Elle s’était imaginé que Fulgence avait détruit tout cela.

    — Maintenant, articula Jacques d’une voix lourde de reproches, je veux savoir pourquoi quelqu’un a payé pour mon entretien pendant toutes ces années.
    — Qu’est-ce que tu racontes ? Personne ne paie pour l’entretien des enfants des autres.
    — Maman, cesse de me mentir ! tonna le garçon en frappant la table de la main.
    Le geste d’impatience lui rappela les colères de la petite enfance. Le jour où Jacques avait compris être plus beau que tous les autres, la séduction avait succédé à la colère, pour arriver à ses fins.
    — Ne te fâche pas comme cela ! plaida-t-elle.
    — Je ne me fâcherai pas si tu me dis la vérité. A quoi rime cette histoire? Comment se fait-il que quelqu’un a payé pour moi pendant toutes ces années ?
    — ... Parce que nous t’avons adopté.
    Jacques demeura totalement abasourdi. A une vitesse vertigineuse, des remarques entendues, des regards étonnés se bousculaient dans sa tête, tous pour exprimer la surprise devant si peu de ressemblance entre le père et le fils. Bien sûr, il ressemblait à sa mère...
    — Es-tu ma mère, je veux dire ma mère naturelle ?
    — Non... Mais cela ne change rien à mon affection, au contraire. Moi, j’ai choisi de m’occuper de toi, ta présence dans ma vie ne tient pas à un hasard.
    Dans une province où la contraception s’avérait à peu près inaccessible, les naissances n’étaient pas toutes bienvenues, de beaucoup s’en fallait. Assez curieusement, Jacques ne voulait pas y croire. Au fil des ans, la ressemblance entre eux lui avait paru évidente.
    — J’ai peut-être été choisi, mais je venais avec un chèque...

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