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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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que les miennes.
    — Quand je souffle dans les joncs, c'est à toi que je pense, dit-il encore. Si ce qui vient de mon souffle est beau à entendre, c'est que ta beauté danse en moi.
    Il m'enlaça dans sa chaleur. Mon cœur s'y fondit, mon souffle s'y perdit, mon bonheur eut son odeur. Ma bouche but la sueur de son cou comme j'avais bu, un instant plus tôt, les sons vibrant dans sa gorge. Il s'écarta un peu de moi, me repoussant doucement, me conservant dans son regard. Ceux qui nous entouraient et les mots de ma mère, je les avais tout à fait oubliés.
    — Sœur, reste près de moi, me demanda Youval, danse près de moi.
    Il reprit ses joncs. Des sons si graves, si puissants en sortirent qu'ils me frappèrent en pleine poitrine. Il me fallut ouvrir grand la bouche pour respirer. La sarabande se reforma. Je chancelai. Peut-être serais-je tombée si Yaval ne m'avait retenue.
    — Eh, ma sœur ! s'exclama-t-il. Mon démon de frère t'aurait-il déjà épuisée ?
    Je voulus me ressaisir. Yaval maintint fermement une main sur ma taille, l'autre sur ma nuque. Ses lèvres cherchèrent à se poser où venaient de se poser celles de Youval.
    — Ô Nahamma, beauté d'Hénoch, ne veux-tu pas savoir si la bouche de Yaval est aussi brûlante que celle de Youval ?
    Il trouva ma peau, la mordit en riant. Je le repoussai. Il me rattrapa, me serra avec des gestes violents. Mes mains, mes bras étaient faibles. Les larmes me montèrent aux paupières :
    — Yaval ! Yaval, que fais-tu ?
    Ses doigts me retenaient prisonnière comme des griffes, ses bras durs comme la brique me soulevaient, m'étouffaient, m'entraînaient loin de la sarabande malgré mes cris.
    — Yaval ! Non ! Tu ne peux pas !
    Alors, d'en bas du mur retentit la voix de notre père Lemec'h :
    — Yaval ! Est-ce les cris de Nahamma que j'entends ?
    Yaval dénoua son étreinte. Je tombai sur les genoux, m'agrippant de justesse au rebord du mur pour ne pas tomber. Les yeux blancs de notre père Lemec'h étaient levés droit sur nous. Il répéta :
    — Yaval ! Que fais-tu ? J'ai entendu crier Nahamma ! Que se passe-t-il ?
    Yaval me regarda, effondrée à ses pieds. Il ricana. La surprise et la crainte passèrent sur son visage, s'effaçant aussitôt. La flamme des torches dansa dans ses yeux. Un sourire mauvais plissa son visage :
    — Sois sans inquiétude, mon père. Nahamma est cette nuit comme toutes les femmes d'Hénoch. Elle danse et chante dans les sons de notre frère Youval.
    Il rit très fort. Un rire aigre qui me glaça.
    D'un ton soucieux, levant la main vers le haut du mur, mon père Lemec'h demanda :
    — Nahamma ? Es-tu là ?
    Avant que je puisse répondre, Yaval lança encore :
    — Elle est là. Elle est là ! Tu ne t'es pas trompé, mon père. Tu l'as bien entendue crier. C'étaient les cris de joie des filles prises du désir d'enfanter, comme tu le souhaites. Nahamma ne songe qu'à la procréation des générations à venir.
    Sa voix, cette fois, était pleine de mépris. Lemec'h agita son bâton, la colère écarquilla ses yeux blancs :
    — Yaval ! Crois-tu pouvoir me tromper ? Penses-tu pouvoir me parler sans respect ?
    Le sourire de Yaval, notre père Lemec'h ne pouvait le voir, mais je suis certaine qu'il sut autant que moi ce qu'il contenait de haine. Il se tut d'abord, sidéré. Puis il se redressa. D'un tout autre ton, il demanda :
    — As-tu oublié que tu dois réunir les hommes et les arcs ? L'aube est proche. Les sons de Youval ont assez agacé les idolâtres. On dit que les feux de leur cercle s'éteignent. C'est le signe. Ils vont bientôt se jeter sur nos murs. Que fais-tu ici ?
    Yaval rassembla les pans de sa tunique avec une grimace de dédain.
    — Tu te trompes, mon père. Les idolâtres n'approcheront pas de nos murs. Ils ne sont pas fous.
    La stupeur érailla la voix de notre père :
    — Tu n'as pas réuni les hommes et les arcs ?
    — Les hommes dansent et caressent les femmes dans les sons de Youval. N'est-ce pas ce que tu as voulu ? Pourquoi les déranger ? La nuit est encore noire. Ne veux-tu pas que les femmes d'Hénoch soient pleines demain ?
    — Yaval...
    — Tais-toi, mon père ! hurla Yaval, crachant soudain toute sa fureur. Tes mots mentent et nous irritent les oreilles. La vérité, je la connais : tu souhaites le massacre des idolâtres pour qu'Élohim te pardonne le sang de Caïn. La vieille Awan a raison. Rien ne réparera ta faute. Le sang

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