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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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mots tombaient en nous telles des pierres.
    Puis elle s'appuya sur son bâton pour se redresser. Elle prit le temps de nous observer avant d'ajouter :
    — Voilà ce que je suis venue vous dire, peuple d'Hénoch. Trop de fautes depuis trop longtemps. Celle de Lemec'h sera la dernière. Vous devez le savoir : Élohim vous effacera bientôt de la surface de la Terre.

 
     
     
     
     
     
     
     
    Deuxième partie
    La fin d'Hénoch
     

1
    Qui saura raconter la terreur descendue sur le peuple d'Hénoch après les paroles d'Awan ?
    Les uns se perdirent en gémissements et en plaintes. Les autres vociférèrent contre Awan. Elle mentait ! Elle était si vieille qu'elle prononçait des mots sans en comprendre le sens ! Certains voulurent la chasser de nos murs. Ma mère Tsilah les accusa d'ajouter un blasphème à tous ceux dont Hénoch s'était déjà rendu coupable. Des femmes se rangèrent à son avis. Elles entourèrent la Grande-Mère. Les cris redoublèrent. Les bouches crachèrent insultes et menaces. La peur devint de la haine. La haine devint de la férocité.
    Ma mère Tsilah conduisit Awan dans notre cour. On barricada la porte. La nuit était secouée de hurlements. Des groupes d'hommes venaient derrière nos murs pour nous conspuer :
    — Lemec'h ! Lemec'h ! Qu'Élohim te crève mille fois !
    — Il paraît que tu manques d'offrandes, Lemec'h. Pourquoi ne te grilles-tu pas toi-même sur l'autel d'Élohim ?
    La Grande-Mère restait calme. Elle demanda :
    — Où est Lemec'h ?
    — À genoux devant l'autel d'Élohim sans plus de feu ni d'offrandes, ricana ma mère Tsilah.
    Awan ne répliqua pas. Elle s'approcha de Noadia, recroquevillée sur sa couche et qui ne cessait de trembler et de pleurer. La très vieille main de la Grande-Mère esquissa une caresse sur sa chevelure emmêlée.
    — Petite, petite, murmura-t-elle de sa voix étrange, n'aie pas peur de ces cris. Ceux qui les poussent tremblent autant que toi. Ils sont sans courage. Si je levais mon bâton sur eux, ils se mordraient la langue en s'enfuyant.
    Noadia hoqueta. D'une voix à peine audible, elle marmonna :
    — Ce n'est pas eux que je crains, Grande-Mère. C'est ce que tu as prédit.
    La flamme de la lampe jetait des reflets dorés sur le visage livide d'Awan. Des ombres mouvantes creusaient les rides profondes de ses joues. Elle hocha la tête.
    — Oui, fit-elle, la voix basse et tendre, oui, je l'ai dit. Et c'est ce qui arrivera. Élohim nous effacera de sous Sa paume.
    — Et pourquoi ? Qu'ai-je fait ? s'écria Noadia, bondissant sur ses pieds, se tordant les mains en un geste de désespoir. Qu'ai-je fait de mal ? Rien ! Rien. Je suis juste la fille de Lemec'h ! La culpabilité des parents doit-elle retomber sur les enfants ?
    Les mains nouées sur son bâton, Awan la considéra. Son visage parut s'émacier davantage.
    — Oui, tu es la fille de Lemec'h. Tu es fille de ma descendance, aussi. Cela suffit à Élohim. Et tu as raison : le mal, tu ne l'as pas encore répandu. Pas encore. Mais Élohim sait que cela adviendra.
    — Pourquoi ferais-je le mal ? Tu dis n'importe quoi ! J'ai toujours obéi à mon père. Élohim le sait. C'est injuste !
    Les protestations de Noadia avaient tiré Adah de son accablement.
    — Noadia ! désapprouva-t-elle. Montre du respect à la Grande-Mère Awan.
    Noadia était trop bouleversée pour prêter attention aux reproches de sa mère. Elle s'insurgea encore :
    — Je suis jeune ! Je n'ai rien vécu. Je suis innocente. Ma mère et Lemec'h ne m'ont pas même laissée aimer un homme. Beyouria, elle, est allée avec un idolâtre, un homme qui n'était pas d'Hénoch. Moi, je n'ai connu personne. Tout ce que j'ai vécu ici, dans notre cour, ce sont des cris, des reproches et les égarements de mes frères !
    Awan ne répondit pas. Noadia éclata en sanglots, repoussa sa mère et se jeta à nouveau sur sa couche.
     
    La Grande-Mère fit signe à Adah de ne pas s'offusquer des paroles de sa fille. Péniblement, elle s'assit sur un tabouret, abandonna son bâton blanc à ses côtés et reposa le dos de ses mains sur ses cuisses. Un long moment, elle fixa ses paumes ainsi ouvertes. Le vacarme d'Hénoch résonnait toujours dans les ruelles. Ma mère Tsilah dit :
    — À quoi bon rester ainsi à veiller ? On ferait mieux d'essayer de dormir un peu. Aucun doute : demain sera une rude journée.
    Elle proposa à Awan d'occuper sa couche.
    — Je dormirai avec Nahamma,

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