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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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la colère au bord des lèvres.
    Oubliant Seth, ils se retournèrent contre nous.
    Ma mère Tsilah les écarta.
    — Sortons d'ici, fit-elle. Sortons, et je vous expliquerai.
    Hanina se planta devant moi :
    — Depuis que nous sommes au pays de Seth, c'est comme si tu n'étais plus des nôtres, Nahamma.
    J'ouvris la bouche, mais Seth bouscula Hanina :
    — Suffit ! Sors de ma cour, pars avec les autres. Va donc écouter ce que te racontera sa mère.
    Avec un petit ricanement, il ajouta :
    — Et si elle peut te nourrir de mensonges, à la manière de son époux Lemec'h, ne doute pas qu'elle le fera.
     
    Mes compagnons se retournèrent pour me lancer un regard lourd de reproches et d'incompréhension, puis ils disparurent derrière le mur qui me retenait.
    Je tremblais. D'un coup, la peur et la solitude me serrèrent le ventre.
    — Est-ce ainsi que vivent les hommes de l'Éden ? murmurai-je.
    — Ceux qui en ont été chassés, me corrigea Noah.
    Seth me poussa :
    — Viens. Une chambre t'attend, et tu devras la trouver à ton goût.
    Chargée de mon couffin et de mon baluchon de laines, je le suivis. Je sentais des regards peser sur moi. Ici et là, sur les seuils, des femmes me scrutaient avidement. Elles baissaient les yeux et se masquaient la face dès que je les fixais. Puis, aussitôt, elles écartaient les doigts pour me dévisager encore, le sourire et même le rire aux lèvres, sans rien de mauvais ni de moqueur. Au contraire, je crus deviner en elles de la crainte et aussi, très étrangement, une sorte de respect teinté de joie.
    Troublée, je m'immobilisai avec l'espoir qu'elles s'approchent et que je puisse m'adresser à elles. Aussitôt, la voix de Seth claqua :
    — Suffit ! Ne va pas infecter mes femmes et mes filles !
    Il se tenait devant une petite hutte au toit de branchages encore frais. L'entrée était si basse qu'il n'aurait jamais pu y introduire sa haute stature.
    Il souleva la tenture :
    — Entre, ordonna-t-il.
    À peine eus-je fait deux pas à l'intérieur que je plongeai dans l'obscurité.
    — Patiente dans cette chambre. Ne la quitte pas. On viendra te chercher.
    Mes yeux s'habituèrent à la pénombre. Je distinguai une couche étroite et un tabouret. J'abandonnai mon couffin et mon baluchon sur le sol et restai debout à guetter les bruits du dehors. Il me sembla entendre des chuchotements, des rires bas. Délicatement, prudemment, je repoussai un peu la tenture. Les épouses et les filles de Seth se tenaient à vingt pas. Elles me fixaient avec une grande excitation, comme si ma présence leur était un sujet extraordinaire. L'une d'elles devina le léger mouvement de ma main sur la tenture. Elle poussa un cri, se voila la face et s'enfuit. Les autres la suivirent en riant. Je ne comprenais rien à cet étrange comportement. Il n'avait rien de menaçant, pourtant je m'agenouillai sur la couche, les larmes aux yeux, des sanglots dans la gorge, soudain épuisée.
     

5
    Je ne restai pas longtemps à m'apitoyer sur mon sort.
    — Nahamma !
    C'était la voix de Noah.
    — Nahamma !
    Je me levai et écartai la tenture. Il était seul. Je ne vis ni son père Seth ni aucune des filles et des femmes dans son dos. Devant le rouge de mes yeux et mon visage défait, il ne fit aucun commentaire. Il me sourit. Ce qui me réconforta un peu. De sa main fine, il désigna les rougeoiements du crépuscule.
    — Grand-Père Adam veut te voir avant la nuit.
    Je tressaillis. Dans sa bouche ces mots étaient si simples ! Mais j'hésitai, perdue.
    — Tu n'as rien à craindre, dit-il doucement. Il est seulement très curieux de te voir.
    Son sourire s'élargit. Ses yeux prirent cette teinte moqueuse qui me plaisait tant.
    — Et lui aussi est très curieux à voir, ajouta-t-il.
    Je le suivis à l'extrémité de la cour, à l'opposé de la porte par laquelle nous étions arrivés. Là, le mur de brique était particulièrement haut. De derrière émergeait la cime d'épaisses frondaisons. La porte était d'un bois si lourd que je dus aider Noah à la pousser.
    Quand elle s'ouvrit, la surprise me figea. Devant moi quantité d'arbres et de fleurs étaient enchevêtrés comme les fils de mes laines. Cela me rappela la merveilleuse parcelle du jardin de l'Éden, celle qui nous avait sauvés de l'épuisement lors de notre marche dans le désert. Sauf qu'ici tout était démesuré.
    — Grand-Père Adam a planté lui-même ce jardin, expliqua Noah.
    — Il vit ici ? m'étonnai-je

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