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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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versa de l'eau au creux de sa paume et s'en aspergea les lèvres.
    Enfin, il dit :
    — Qui es-tu ?
    — An-Kahana, fils d'Arkahana. Mon père apprenait la mémoire des choses et des temps passés auprès de Lemec'h, descendant de ton frère Caïn. Ce qu'il apprenait sur nos générations, il me l'enseignait, pour qu'à mon tour je l'enseigne aux fils qui me viendraient.
    Sur ces derniers mots, la voix d'An-Kahana se brisa. Plus bas, il ajouta :
    — C'était compter sans la décision d'Élohim. Mon père est mort et ce qu'il m'a appris va mourir aussi.
    Avec une horrible grimace, Seth renversa une outre sur ses mains et laissa l'eau ruisseler abondamment. Rien de ce que venait de dire An-Kahana ne semblait l'émouvoir.
    — Que pouvait apprendre ton père sur vos générations ? demanda-t-il enfin, de ce ton méprisant que nous commencions à trop bien connaître. La faute de mon frère Caïn, toute l'arrogance qu'il a montrée à la face de YHVH, ne la connaissiez-vous pas déjà en naissant ? Vous qui la portez dans votre sang ?
    La violence du ton de Seth laissa An-Kahana sans voix. Le fils d'Ève nous scruta, faussement surpris et ravi de notre faiblesse :
    — Croyez-vous qu'ici nous ignorons les horreurs que vous avez accomplies à Hénoch ? Les meurtres et les guerres de votre Lemec'h ! Vos mensonges et vos sacrilèges ? Ah, que vous êtes malfaisants !
    Pâle à faire peur, mais aussi raide qu'un guerrier sur le point de lancer sa flèche, An-Kahana répliqua :
    — Ton frère Caïn, ô Seth, a vécu dans le jardin de l'Éden avec ton père Adam et ta mère Ève...
    — Et son frère Abel, l'interrompit rageusement Seth.
    — ... et aussi sa sœur Awan, notre Grande-Mère, poursuivit An-Kahana, la voix ferme malgré son émotion. Notre Grand-Aïeul Caïn possédait des souvenirs et des savoirs dont tu ne peux disposer, toi qui es né hors de l'Éden. Des souvenirs qu'il a enseignés à son fils Hénoch, celui qui a donné son nom à notre cité aussi bien qu'à toutes nos générations. Et, dans ses souvenirs, Caïn appelait le père de votre père Élohim et non YHVH.
    Sans doute la stupeur fut-elle la raison pour laquelle Seth ne ferma pas sur-le-champ la bouche d'An-Kahana par une réplique cinglante. Mais quand, revenu de son étonnement, il fut sur le point de le faire, Lekh-Lekha le devança. Avec toute son assurance de chasseur, un sourire paisible sur les lèvres, il dit :
    — Ô Seth, je comprends ta colère de ne pas avoir arpenté les perfections du jardin de l'Éden comme ton père Adam. Mais le châtiment qu'Élohim a infligé à ton frère Caïn ne t'atteint pas. Nous le savons, nous que la faute de notre aïeul poursuit dans la poussière de Nôd depuis sept générations. Et cette colère d'Élohim, qui aujourd'hui veut nous effacer des vivants de la Terre, elle ne s'abattra pas sur toi. Tu n'en portes pas le poids. Elle ne t'effleurera pas.
    — Qu'en sais-tu ? s'écria Seth en se levant brusquement. Qu'en sais-tu ?
    Malgré lui, Lekh-Lekha recula d'un pas.
    — Allons, tu n'es pas de « ceux d'Hénoch », parvint-il cependant à dire avec un sourire ironique. Tu vis dans le vert, même s'il est périssable, et non dans la poussière où toute vie périt. Ton sang est pur. Il ne charrie ni le meurtre ni le mensonge, au contraire du nôtre.
    Les longs bras de Seth balayèrent dangereusement l'air devant Lekh-Lekha :
    — Ah, que vous êtes ignorants ! Que sais-tu de ce que charrie mon sang ? Que sais-tu du châtiment que YHVH a conçu pour vous ? Es-tu sûr qu'Il nous épargnera, nous qui sommes restés devant Lui ? Oh oui, du meurtre et du mensonge, nous sommes innocents ! Quand la main ignoble de Caïn a répandu le sang de mon frère Abel, YHVH n'avait pas encore accordé à mon père Adam le désir d'un nouveau fils. Oh oui, la souillure immonde de Caïn, je ne l'ai pas sur mes mains...
    Comme pour nous en donner la preuve, il brandit ses paumes vers nous.
    — Mais le sang de ma mère Ève, il coule en moi aussi bien que celui de mon père ! ajouta-t-il, tremblant de rage. Et lui, il pèse lourd devant YHVH !
    Il me fixa d'un regard terrible. Un frisson glacé me parcourut de la tête aux pieds. Malgré tout je parvins à balbutier :
    — Que veux-tu dire, ô Seth ?
    Sa bouche frémit. Le repentir froissa ses traits. À son côté je surpris l'air douloureux de son fils Noah. Cela m'encouragea à répéter :
    — Que veux-tu dire, ô

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