Ève
Il te l'a expliqué ?”
« “Non. Il n'en a nul besoin.”
« “Ah non ? Et tu n'as pas envie de savoir ?”
« Je ne trouvai rien à répondre. La bête sautilla, amusée plus que jamais.
« “Dis-moi, à quoi bon planter cet arbre dans votre jardin si tu ne peux pas en goûter les fruits ? Il se moque de toi, ton YHVH.”
« Encore, je me suis tue. La bête a tendu la main vers moi :
« “Si tu n'as pas le courage d'essayer, cueille au moins un fruit pour moi. Tu verras bien ce qu'il m'arrivera.”
« Je me suis éloignée d'elle un peu plus :
« “Ce qui est ici n'est certainement pas pour toi !”
« La bête a ricané de plus belle :
« “Pas pour toi, pas pour moi, pas pour cet Adam qui dort ! Alors, que fait-il ici, cet arbre, s'il n'est pour personne ? Je te le dis, femme, ton YHVH se moque ! Il veut voir à quel point tu es sotte et obéissante. Pas étonnant, que tu vives dans ce jardin où rien ne change jamais. Je te souhaite bien de l'ennui !”
« J'allais lui répondre quand soudain d'autres bêtes semblables l'ont entourée. Elles ont mené un horrible tintamarre accompagné de grimaces avant de fuir toutes ensemble loin de ma vue. Le silence du jardin est revenu et moi...
Ève reprit son souffle, mouillant ses lèvres de la pointe de sa langue. Puis elle soupira. Autour d'elle, tous les visages de ceux venus d'Hénoch étaient sombres.
An-Kahana lança sèchement :
— Et toi, tu as désobéi à Élohim ? Tu as fait ce que la bête te disait de faire ?
Ève l'observa avant de hausser les épaules.
— Si tu veux soulager ta peine en me blâmant, jeune An-Kahana, blâme-moi. Cela fait toujours grand bien de trouver plus fautif que soi. Moi, je suis revenue près d'Adam. J'ai songé à nouveau à ces enfants qui allaient me venir et dont j'ignorais tout, même le mot « enfant » qui les désignerait. Finalement, je me suis dit : « Je n'ai rien à voir avec les bêtes du désert qui sont là, dehors. Je n'ai rien à voir avec les papillons, les brebis, ni tout ce vivant qui grouille et vit dans ce jardin. Cependant, je mettrai moi aussi bas comme une chèvre ou un grillon femelle et YHVH m'en tient dans l'ignorance. Pourquoi ? Que veut-Il me cacher ? » Et voilà.
— Voilà quoi ? s'agaça Hannuku. Tu es allée à l'arbre alors que c'était défendu, voilà ce qui est !
— Oui. Mais avant, YHVH s'est joué de moi. Dans le jardin, tout était là, parfait. Le temps, je vous l'ai dit hier, Adam vous l'a dit, le temps ne passait pas sur nous. Surtout pas sur lui, Adam. Sur moi, finalement, YHVH l'a laissé passer un peu, oui, puisque j'ai pu penser à ce qui n'existait pas encore. Alors m'est venu le désir de la connaissance, qui est le fruit du temps.
« Alors, oui, tu as raison. Je me suis levée, je suis allée à l'arbre. J'ai pris deux fruits. J'en ai mangé un et j'ai rapporté l'autre pour Adam. Il dormait. J'ai attendu qu'il se réveille. Quand il a ouvert l'œil, je lui ai tendu le fruit. Il y a immédiatement planté les dents.
— Mais pourquoi lui avoir donné ce fruit ? s'indigna Yohanan.
— YHVH ne m'avait-Il pas créée pour que je sois devant Adam, toujours ? Allais-je posséder un savoir qu'il ignorerait ? Des pensées dont il ne saurait rien ? Oh, Adam était déjà tellement ignorant qu'il ne s'est pas soucié de savoir ce qu'était ce fruit qu'il croquait ! S'il n'avait pas eu faim, il aurait gardé ses dents dans sa bouche aussi bien qu'il a gardé ses oreilles closes pendant que la bête me parlait ! Mais voilà, après la jouissance Adam avait toujours faim, comme il avait toujours sommeil !
Cela fut dit avec tant de ressentiment qu'un instant nous crûmes qu'Ève allait se lever et s'éloigner. Mais elle soupira et ajouta d'un ton plus triste :
— Tout le reste, vous le savez. La colère de YHVH. Notre bannissement du jardin de l'Éden. YHVH s'est même vengé de la bête. Quand elle s'est approchée à nouveau du jardin, curieuse de voir l'effet qu'avait eu le fruit sur moi, Il lui a supprimé les bras et les jambes et l'a condamnée à ramper, pour toujours, dans les trous de la terre.
Ève sourit amèrement.
— Voilà ma faute. Accablez-moi si cela vous convient.
— Tu ne crois pas qu'on le devrait ? demanda ma mère Tsilah en fronçant les sourcils.
Ève la considéra longuement, les yeux dans les yeux.
— Moi, dit-elle enfin, je ne regrette
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