Excalibur
était
possible, et même probable, que les Saxons ne nous poursuivraient pas et
seraient plutôt tentés de piller la cité, mais c’était un risque que je n’osais
pas courir. Je levai les yeux vers la haute colline et vis apparaître encore d’autres
ennemis sur la crête brillante de soleil. Bien qu’il fût impossible de les
compter, il était clair qu’il ne s’agissait pas d’une petite bande de
guerriers. Mes propres hommes formaient un mur de boucliers, mais je savais que
je ne pouvais pas mener bataille en cet endroit. Les Saxons étaient plus
nombreux et tenaient le sommet. Combattre ici, ce serait mourir.
Je me
retournai sur ma selle. À un quart de lieue, juste au nord de la Voie du Fossé,
se trouvait une forteresse des anciens et sa vieille muraille de terre, très
érodée maintenant, se dressait sur la crête d’une colline escarpée. Je montrai
du doigt les remparts d’herbe. « Nous montons là-haut, dis-je.
— Là-haut,
Seigneur ? » Issa semblait perplexe.
« Si nous
tentons de leur échapper, ils nous suivront. Nos enfants ne peuvent pas marcher
vite et, à la longue, ces bâtards nous rattraperont. Nous serons forcés de
former un mur de boucliers, de mettre nos familles au centre et le dernier d’entre
nous à mourir entendra la première de nos femmes hurler. Mieux vaut nous
retrancher dans un endroit où ils hésiteront à nous attaquer. À la fin, il leur
faudra bien choisir. Soit nous laisser tranquilles et repartir pour le nord, et
dans ce cas, nous les suivrons, soit se battre, et si nous sommes en haut d’une
colline, nous aurons une chance de gagner. D’autant plus que Culhwch va passer
par ici. Dans un jour ou deux, nous serons peut-être plus nombreux qu’eux.
— Alors,
nous abandonnons Arthur ? demanda Issa, scandalisé par cette idée.
— Non,
nous tenons une troupe de Saxons éloignée de Corinium. » Mais Issa avait
raison et je n’étais pas fier de mon choix. J’abandonnais Arthur parce que je
ne voulais pas mettre en danger la vie de Ceinwyn et de mes filles. Tout le
plan de campagne d’Arthur était anéanti. Culhwch était isolé quelque part, dans
le sud, et j’étais piégé à Aquae Sulis pendant que Cuneglas et Œngus Mac Airem
se trouvaient encore à plusieurs lieues de là.
Je revins en
arrière pour prendre mon équipement et mes armes. Je n’avais pas le temps de
revêtir mon armure, mais je coiffai mon casque au plumet de poils de loup,
cherchai ma lance la plus lourde et m’emparai de mon bouclier. Je rendis la
jument à Guenièvre et lui dis d’emmener les familles en haut de la colline,
puis j’ordonnai aux recrues et à mes plus jeunes lanciers de conduire les sept
chariots de nourriture jusqu’à la forteresse. « Peu m’importe comment vous
le ferez, leur dis-je, mais je ne veux pas que l’ennemi s’en empare.
Attelez-vous aux timons s’il le faut ! » J’avais abandonné les
véhicules d’Argante, mais durant une guerre, une pleine charretée de vivres est
plus précieuse que l’or et j’étais décidé à ne pas laisser ces réserves à l’ennemi.
Si nécessaire, j’y mettrais le feu, mais pour le moment, je voulais tenter de
sauver ces provisions.
Je rejoignis
Issa et pris place au centre du mur de boucliers. Les rangs ennemis
grossissaient et je m’attendais à tout moment à ce qu’ils chargent comme des
fous du haut de la colline. Ils étaient bien plus nombreux que nous, mais ils
ne le firent pas et chaque instant d’hésitation de leur part offrait à nos
familles et aux précieux chargements de nourriture plus de temps pour atteindre
le sommet de l’autre mont. Je jetais sans cesse des regards derrière nous,
surveillant la progression de nos chariots, et quand ils furent à mi-pente, j’ordonnai
à mes lanciers de reculer.
Cette retraite
poussa les Saxons à attaquer. Ils poussèrent des cris de défi en dévalant la
route, mais ils avaient trop tardé. Mes hommes eurent le temps de traverser à
gué un ruisseau qui dégringolait des collines pour se jeter dans la rivière, et
maintenant, c’était nous qui les dominions. Dans leur lente progression vers la
forteresse, mes soldats restaient en ligne droite, leurs boucliers se
chevauchaient, ils tenaient leurs longues lances d’une main ferme, et cette
preuve de leur entraînement arrêta la poursuite saxonne à une vingtaine de
toises de nous. Ils se contentèrent de lancer des insultes et des défis,
pendant qu’un de leurs sorciers nus
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