Excalibur
route vers Corinium ; aussi, avant le crépuscule, j’envoyai Issa et
une vingtaine d’hommes reconnaître le chemin, mais ils revinrent me dire qu’il
y avait des éclaireurs à cheval dans toute la chaîne, de l’autre côté de la
vallée. J’étais encore tenté de fuir vers le nord, mais je savais que les
cavaliers saxons nous repéreraient, et qu’à l’aube nous aurions toute la troupe
sur les talons. La décision qu’il me fallait prendre me tracassa jusque tard
dans la nuit, puis je choisis le moindre des deux maux : nous resterions
sur le Mynydd Baddon.
Aux yeux des
Saxons, nous devions apparaître comme une formidable armée. Je commandais deux
cent soixante-huit hommes et l’ennemi ignorait que, parmi eux, moins de cent
étaient des lanciers de premier ordre. Le reste se composait des quarante
enrôlés de la cité, de trente-six soldats endurcis qui avaient gardé Caer
Cadarn ou le palais de Durnovarie – dont la plupart étaient maintenant
vieux et lents – et de cent dix gamins qui n’avaient jamais connu le
baptême du feu. Mes soixante-dix lanciers expérimentés et les douze Blackshields
d’Argante comptaient parmi les meilleurs combattants de Bretagne, et même si je
ne doutais pas que les vétérans s’avéreraient utiles et que les jeunots
pourraient se révéler redoutables, c’était tout de même une armée bien trop
petite pour protéger cent quatorze femmes et soixante-dix-neuf enfants. Mais du
moins, la nourriture et l’eau ne nous feraient pas défaut, car nous tenions les
sept précieux chariots et trois sources jaillissaient sur les flancs du Mynydd
Baddon.
Au coucher du
soleil de ce premier jour, nous avions compté l’ennemi, environ trois cent
soixante Saxons dans la vallée et au moins quatre-vingts dans les terres du
nord. Assez de lanciers pour nous garder coincés sur le Mynydd Baddon, mais
probablement pas suffisamment pour nous prendre d’assaut. Chacun des trois
côtés du sommet plat et dépourvu d’arbres mesurait trois cents pas, bien trop
pour que mon petit nombre de guerriers puisse les défendre, mais si l’ennemi
attaquait, nous les verrions arriver de loin et j’aurais le temps de déplacer
mes forces. Je calculai que, même s’ils livraient deux ou trois assauts
simultanés, je pourrais encore tenir car les Saxons auraient un versant
terriblement escarpé à gravir et mes hommes seraient frais et dispos, mais si l’effectif
de nos ennemis augmentait, je serais surpassé en nombre. Je priais pour que ces
Saxons ne soient rien de plus qu’une forte bande de pillards qui, une fois qu’ils
auraient mis Aquae Sulis et ses environs à sac, partiraient rejoindre Aelle et
Cerdic.
L’aube nous
montra qu’ils occupaient toujours la vallée où la fumée de leurs feux de camp
se mêlait à la brume de la rivière. Lorsque celle-ci se dissipa, nous vîmes qu’ils
abattaient des arbres pour édifier des cabanes, preuve accablante qu’ils
avaient l’intention de rester. Mes propres hommes s’affairaient à flanc de
coteau, taillant les buissons d’aubépine et étêtant les jeunes bouleaux qui
auraient permis à l’assaillant de s’avancer à couvert. Ils traînèrent les
broussailles et les arbustes jusqu’au sommet et les empilèrent pour former un
rempart rudimentaire sur ce qui restait de la muraille des anciens. J’envoyai
cinquante autres sur la crête, au nord du col, où ils coupèrent du bois à
brûler que nous remontâmes dans l’un des chariots. Ces hommes rapportèrent
assez de madriers pour fabriquer une cabane toute en longueur ;
contrairement aux huttes saxonnes qui étaient pourvues d’un vrai toit de chaume
ou de mottes de terre, la nôtre se réduisait à une structure branlante de
rondins non équarris dressée entre quatre chariots et grossièrement couverte de
branches, mais elle était assez grande pour abriter les femmes et les enfants.
Durant la
première nuit, j’avais envoyé deux de mes lanciers au nord. C’étaient des
gredins rusés, choisis parmi nos plus jeunes recrues, qui devaient tenter d’atteindre
Corinium pour rapporter à Arthur notre situation critique. Je doutais que notre
chef puisse nous secourir, mais du moins, il saurait ce qui était arrivé. Toute
la journée du lendemain, je craignis de les voir ramenés, les mains liées,
derrière un cavalier saxon, mais ils ne reparurent pas. J’appris plus tard qu’ils
avaient survécu et atteint Corinium.
Les Saxons
construisaient leurs abris
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