Excalibur
bon », suggérai-je, et au crépuscule, nous avions
rassemblé sept autres charretées de précieuses provisions. J’expédiai les
chariots vers le nord le soir même, en dépit de l’heure tardive. Compte tenu de
leur lenteur, il valait mieux qu’ils partent le plus tôt possible.
Issa m’attendait
dans l’enceinte du temple. Ses fouilles avaient produit sept vieilles épées,
une douzaine de lances pour la chasse à l’ours, et les hommes de Cildydd
avaient déterré quinze lances de plus, dont huit brisées, mais Issa rapportait
aussi une nouvelle intéressante. « On dit qu’il y a des armes cachées dans
le temple, Seigneur.
— Qui l’affirme ? »
Issa montra du
geste un homme barbu qui portait le tablier ensanglanté d’un boucher. « Il
pense qu’après la rébellion on a dissimulé des brassées de lances dans le
temple, mais le prêtre nie.
— Où est
le prêtre ?
— À l’intérieur,
Seigneur. Il m’a ordonné de sortir quand je l’ai questionné. »
Je gravis les
marches en courant et franchis les grandes portes. Ce lieu avait été consacré à
Minerve et à Sulis, déesses romaine et bretonne, mais les déités païennes de la
cité avaient été chassées et remplacées par le Dieu chrétien. La dernière fois
que j’étais entré dans ce temple, il y avait une grande statue de Minerve en
bronze veillée par des lampes à huile aux flammes dansantes, mais on l’avait
brisée pendant la rébellion et il ne restait plus que la tête creuse de la
déesse, empalée sur un pieu et placée comme un trophée derrière l’autel
chrétien.
Le prêtre me
défia. « C’est la maison de Dieu ! » rugit-il. Entouré de femmes
éplorées, il célébrait un mystère devant son autel, mais interrompit la
cérémonie pour m’affronter. C’était un homme jeune, plein de passion, l’un de
ces prêtres qui avaient fomenté des troubles en Dumnonie et qu’Arthur avait
laissés vivre afin que l’amertume de l’échec ne demeure pas dans le cœur des
chrétiens. Cependant, celui-là n’avait rien perdu de sa ferveur d’insurgé. « Vous
profanez la maison de Dieu avec l’épée et la lance ! Est-ce que vous
portez vos armes dans le manoir de votre seigneur ? Alors, pourquoi les
gardez-vous dans la maison du mien ?
— La
semaine prochaine, ce sera un temple à Thunor et les Saxons sacrifieront vos
enfants à l’endroit même où vous vous tenez. Y a-t-il des lances ici ?
— Non ! »
répondit-il d’un air de défi. Les femmes crièrent et reculèrent lorsque je
gravis les marches de l’autel. Le prêtre brandit une croix. « Au nom de
Dieu, et au nom de Son Saint Fils et au Nom de l’Esprit Saint. Non ! »
Il poussa ce dernier cri parce que j’avais tiré Hywelbane de son fourreau et m’en
servis pour faire tomber la croix de ses mains. Le morceau de bois glissa sur
le sol de marbre tandis que j’enfonçai la lame dans sa barbe broussailleuse. « Je
vais démolir ce lieu pierre par pierre pour trouver les lances et enterrer ta
misérable carcasse sous les décombres. Alors, où sont-elles ? »
Cette menace
dégonfla sa bravade. Les lances, amassées dans l’espoir d’une autre campagne
qui mettrait un chrétien sur le trône de Dumnonie, se trouvaient dans une
crypte secrète, sous l’autel, où l’on cachait jadis les trésors offerts par
ceux qui cherchaient à bénéficier du pouvoir de guérison de Sulis. Le prêtre,
effrayé, me montra comment soulever la dalle de marbre pour mettre au jour un
trou rempli d’or et d’armes. Nous laissâmes l’or, mais nous portâmes les lances
aux recrues de Cildydd. Je doutais que les soixante hommes puissent se rendre
vraiment utiles dans une bataille, mais un homme armé d’une lance ressemble à
un guerrier et, vus de loin, ils pouvaient impressionner les Saxons. Je leur
dis de se tenir prêts à partir le lendemain matin et d’emporter toute la
nourriture qu’ils pourraient trouver. Nous dormîmes cette nuit-là dans le
temple. Je débarrassai l’autel de ses accessoires chrétiens et plaçai la tête
de Minerve entre deux lampes à huile afin qu’elle nous garde pendant notre
sommeil. La pluie coulait du toit et formait des mares sur le marbre, mais aux
premières heures de la matinée, elle cessa et l’aube apporta un ciel clair et
un vent d’est froid et vif.
Nous quittâmes
la cité avant le lever du soleil. Seules quarante des recrues de la cité
marchaient avec nous, car le reste avait
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