Excalibur
dont les cheveux oints de bouse de vache
pointaient dans tous les sens s’avançait en dansant et en nous injuriant. Il
nous traita de cochons, de lâches et de boucs. Il nous maudit et pendant ce
temps, je les comptai. Il y avait cent soixante-dix hommes dans leur mur de
boucliers, et d’autres n’étaient pas encore descendus de la colline. Je les
comptai et les chefs saxons, sur leurs chevaux, derrière leurs hommes, nous
comptèrent aussi. Je pouvais maintenant voir leur bannière et c’était bien l’étendard
de Cerdic, le crâne de loup aux lanières de peau humaine, pourtant lui n’était
pas là. Ce devait être une de ses troupes venue de la Tamise. Ils nous
surpassaient en nombre, mais leurs chefs étaient trop prudents pour nous attaquer.
Ils savaient qu’ils pouvaient nous vaincre, et aussi quel tribut effroyable
soixante-dix guerriers expérimentés pouvaient prélever dans leurs rangs. Nous
avoir éloignés de la route semblait leur suffire.
Nous gravîmes
lentement la colline à reculons. Les Saxons nous observaient, mais seul leur
sorcier nous suivit et, au bout d’un moment, il se lassa, cracha sur nous et
fît demi-tour. Nous raillâmes à grands cris la timidité de l’ennemi, mais en
fait, j’éprouvai un immense soulagement.
Faire franchir
l’ancien rempart herbu à nos sept chariots de précieuse nourriture et les
amener sur le sommet arrondi de la colline nous prit une heure. Je parcourus
notre forteresse et découvris quelle merveilleuse position de défense elle
offrait. Le plateau était un triangle bordé de chaque côté par un versant si
abrupt que tout assaillant peinant à le gravir serait à la merci de nos lances.
J’espérais que ces escarpements décourageraient les Saxons d’attaquer, que dans
un jour ou deux l’ennemi s’en irait, et que nous serions alors libres de
repartir vers Corinium. Nous arriverions en retard et Arthur serait sans doute
en colère contre moi, mais, pour le moment, j’avais gardé saine et sauve cette
partie de l’armée de Dumnonie. Nous comptions plus de deux cents lanciers, nous
protégions une foule de femmes et d’enfants, sept chariots et deux princesses,
et notre refuge était une colline herbue dominant la profonde vallée d’une
rivière. J’allai trouver l’un des enrôlés et lui demandai comment s’appelait ce
lieu.
« Comme
la cité, Seigneur, répondit-il, apparemment stupéfait que je veuille connaître
ce détail.
— Aquae
Sulis ?
— Non,
Seigneur ! L’ancien ! Le nom qu’elle avait avant l’arrivée des
Romains.
— Baddon,
dis-je.
— Et ici,
c’est le Mynydd Baddon, Seigneur », confirma-t-il.
Le mont
Baddon. Avec le temps, les poètes feraient résonner ce nom dans toute la
Bretagne. Il serait chanté dans les manoirs et enflammerait le sang des petits
garçons pas encore nés, mais pour le moment, il ne signifiait rien pour moi. C’était
seulement un bastion pratique, une forteresse aux murailles herbues, et un
endroit où, contre mon gré, j’avais planté mes deux bannières dans le gazon. L’une
portait l’étoile de Ceinwyn, alors que sur l’autre, récupérée dans l’un des
chariots d’Argante, s’étalait l’ours d’Arthur.
Or donc, dans
la lumière matinale, claquant au vent de moins en moins humide, l’ours et l’étoile
défiaient les Saxons.
Sur le Mynydd
Baddon.
Les Saxons
étaient prudents. Ils ne nous avaient pas attaqués tout de suite et, maintenant
que nous étions en sécurité au sommet du Mynydd Baddon, ils se contentèrent de
s’installer au pied de la colline et de nous surveiller. Dans l’après-midi, un
gros contingent de lanciers marcha sur Aquae Sulis où ils trouvèrent une cité
presque désertée. Je m’attendais à voir les flammes et la fumée du chaume en
train de brûler, mais aucun incendie n’éclata et, au crépuscule, les soldats
revinrent chargés de butin. Les ombres de la nuit recouvraient la vallée de la
rivière et, tandis qu’au sommet du Mynydd Baddon nous jouissions encore des
dernières lueurs du jour, les feux de camp de nos ennemis piquetaient l’obscurité
en dessous de nous.
Au nord,
toujours plus de brasiers mouchetaient les hauteurs accidentées. Le Mynydd
Baddon, séparé d’elles par un col élevé et herbu, était comme une île côtière
par rapport à ces collines. J’avais imaginé que nous pourrions le traverser
durant la nuit, gravir la crête qui se trouvait de l’autre côté et poursuivre
notre
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