Excalibur
tandis que nous empilions toujours plus d’épineux et
de broussailles sur notre basse muraille. Aucun de nos ennemis ne s’approcha et
nous ne descendîmes pas les défier. Je divisai le sommet en sections et
assignai chacune à une troupe de lanciers. Mes soixante-dix guerriers
expérimentés, les meilleurs de ma petite armée, gardèrent l’angle sud des remparts
qui faisait face à l’ennemi. Je séparai les jeunes gens en deux troupes, une
sur chaque flanc de mes hommes endurcis, puis confiai la défense du versant
nord aux douze Blackshields, renforcés par les enrôlés et les gardes de Caer
Cadarn et de Durnovarie. Le chef des Irlandais était une brute appelée Niall,
vétéran d’une centaine de razzias de récolte, aux doigts couverts d’anneaux de
guerrier, qui dressa sa propre bannière improvisée sur le rempart nord. Ce n’était
qu’un jeune bouleau dépouillé de ses branches, planté dans l’herbe, portant un
bout de tissu noir, mais ce lambeau de drapeau irlandais avait quelque chose de
sauvage et d’agréablement provocant.
J’entretenais
encore des espoirs de fuite. Les Saxons pouvaient bien fabriquer des cabanes
dans la vallée de la rivière, moi je me sentais attiré par les terres élevées
du nord et, en ce second après-midi, je traversai le col à cheval, sous la
bannière de Niall, et gravis la crête opposée. Une étendue de lande désolée se
déployait sous la course des nuages. Eachern, guerrier expérimenté que j’avais
placé à la tête d’une des bandes de jeunes gens qui coupaient du bois sur la
crête, vint se poster à côté de ma jument. Il vit que je contemplais le paysage
désert et devina ce que j’avais à l’esprit. Il cracha. « Ces bâtards sont
là-bas, ça oui.
— Tu en
es certain ?
— Ils
vont et ils viennent, Seigneur. Toujours à cheval. » Il tenait une hache à
la main et la pointa vers une vallée qui longeait la lande du nord à l’ouest.
Des arbres y poussaient, serrés, mais tout ce que nous pouvions voir, c’était
leurs cimes feuillues. « Il y a une route sous ces arbres, et c’est là qu’ils
se cachent, dit Eachern.
— La voie
doit mener à Glevum.
— Elle
mène d’abord aux Saxons, Seigneur. Ces salauds sont là, ça oui. J’ai entendu
leurs haches. »
Ce qui
signifiait qu’ils avaient barré le chemin en abattant des arbres. J’étais
encore tenté. Si nous détruisions la nourriture et abandonnions tout ce qui
pourrait ralentir notre marche, nous pourrions encore briser le cercle saxon et
rejoindre notre armée. Toute la journée, ma conscience me harcela comme un
éperon, car mon devoir était clairement de combattre aux côtés d’Arthur, et
plus longtemps je resterais coincé sur le Mynydd Baddon, plus il serait en
mauvaise posture. Il y aurait une demi-lune, assez pour éclairer le chemin, et
si nous marchions vite, nous distancerions sûrement la troupe principale des
Saxons. Une poignée de cavaliers ennemis nous harcèleraient peut-être, mais mes
lanciers pourraient s’en occuper. Qu’y avait-il après la lande ? Un pays
vallonné, sans doute, coupé de rivières que les pluies récentes avaient mises
en crue. Il me fallait une route, il me fallait des gués et des ponts, il me
fallait un chemin direct et court, sinon les enfants resteraient à la traîne,
les lanciers ralentiraient pour les protéger et, brusquement, les Saxons fondraient
sur nous comme des loups sur un troupeau de moutons. Je pouvais imaginer le
moyen de m’échapper du Mynydd Baddon, mais je ne voyais pas comment nous
pourrions traverser les terres qui nous séparaient de Corinium sans devenir la
proie des lames ennemies.
La décision
fut prise à ma place, au crépuscule. J’envisageais toujours de foncer vers le
nord, espérant qu’en laissant nos feux brûler, nous pourrions faire croire que
nous étions encore là, mais au soir de ce second jour, d’autres Saxons arrivèrent.
Ils venaient du nord-est, par la route de Corinium, et une centaine d’entre eux
parcoururent la lande que j’avais espéré traverser ; ils forcèrent mes
bûcherons à sortir du bois, à franchir le col et à remonter sur le Mynydd
Baddon. Maintenant, nous étions vraiment pris au piège.
Je m’assis
près d’un feu, en compagnie de Ceinwyn. « Cela me rappelle cette nuit sur Ynys
Mon, dis-je.
— J’y
pensais. »
C’était la
nuit où nous avions découvert le Chaudron de Clyddno Eiddyn ; encerclés
par les forces de Diwrnach,
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