Excalibur
courant. Comme un fou, je semais la mort à grand bruit, j’adorais le
massacre, et à côté de moi, mes queues de loup frappaient de l’épée et du
poignard, et raillaient un ennemi qui aurait dû être en train de danser sur nos
cadavres.
Ils auraient
encore pu nous vaincre, car leur nombre était fort grand, mais il est difficile
de se battre dans un mur de boucliers rompu en gravissant une colline, et notre
attaque soudaine avait brisé leur élan. Et puis, beaucoup de Saxons étaient
saouls. Un homme ivre se bat bien dans la victoire, mais dans la défaite, il s’affole
vite, et Cerdic eut beau tenter de les retenir, ses lanciers paniquèrent et s’enfuirent
en courant. Certains de mes plus jeunes furent tentés de les suivre, une
poignée céda à la tentation, descendit trop bas et paya cher cette témérité,
mais je criai aux autres de demeurer avec nous. La plupart des ennemis
échappèrent à nos coups, mais nous avions gagné, et pour le prouver nous
restâmes là dans le sang des Saxons, sur notre versant couvert de leurs morts,
de leurs blessés et de leurs armes. Le chariot renversé brûlait encore, un
Saxon écrasé par son poids hurlait, tandis que l’autre véhicule continuait sa
course bruyante pour aller se ficher dans une haie, au pied du mont.
Certaines de
nos femmes descendirent piller les morts et achever les blessés. Ni Aelle ni
Cerdic n’étaient parmi eux, mais un grand chef chargé de bijoux d’or, portant
une épée à la garde guillochée d’or dans un fourreau de cuir noir souple, strié
de fils d’argent, retint mon attention ; je m’emparai de son ceinturon et
de son épée et les portai à Guenièvre. Je m’agenouillai devant elle, chose que
je n’avais jamais faite. « Nous vous devons la victoire, Dame, elle est à
vous. » Je lui offris l’épée.
Elle la
sangla, puis me releva. « Merci, Derfel.
— C’est
une bonne épée.
— Je ne
te remercie pas pour l’épée, mais pour m’avoir fait confiance. J’ai toujours su
que je pourrais me battre.
— Mieux
que moi, Dame », dis-je d’un air piteux. Pourquoi n’avais-je pas pensé à
utiliser les chariots ?
« Mieux
qu’eux, en tout cas ! » répliqua Guenièvre en montrant les Saxons
vaincus. Elle sourit. « Et demain, tout sera à recommencer. »
Les Saxons ne
revinrent pas ce soir-là. Ce fut un beau crépuscule doux et lumineux. Mes
sentinelles arpentaient le mur tandis que les feux des ennemis brillaient dans
l’ombre qui s’épaississait en dessous de nous. Nous nous restaurâmes et, après
le repas, je parlai à l’épouse d’Issa, Scarach ; elle recruta d’autres
femmes qui arrivèrent, armées d’aiguilles, de couteaux et de fil. Je leur
donnai des capes prises aux morts saxons, et les femmes travaillèrent toute la
soirée, et jusque tard dans la nuit, à la lumière de nos foyers.
Aussi le
lendemain matin, quand Guenièvre se réveilla, il y avait trois bannières sur le
rempart sud du Mynydd Baddon, l’ours d’Arthur et l’étoile de Ceinwyn avec, au
milieu, à la place d’honneur qui sied à un seigneur de la guerre victorieux, un
gonfalon portant le symbole de Guenièvre, un cerf couronné d’une lune. Le vent
de l’aube le souleva, elle vit l’emblème et sourit.
Pendant qu’en
dessous de nous, les Saxons rassemblaient de nouveau leurs lances.
Les tambours
se firent entendre dès l’aube et dans l’heure qui suivit, cinq sorciers
apparurent en bas des pentes du Mynydd Baddon. Cerdic et Aelle semblaient
déterminés à prendre aujourd’hui la revanche de leur humiliation.
Des corbeaux
déchiquetaient la bonne cinquantaine de cadavres saxons qui reposaient encore
sur le versant, près des restes carbonisés du chariot, et certains de mes
hommes voulaient les traîner jusqu’au parapet et y faire un horrible étalage
des corps en vue du prochain assaut saxon, mais je le leur interdis. Bientôt,
estimai-je, les nôtres seraient à la disposition des Saxons, et si nous
profanions leurs morts, nous le serions à notre tour.
Il devint
rapidement évident que, cette fois, les Saxons ne risqueraient pas une attaque
qu’un chariot enflammé pourrait transformer en chaos. Ils préparèrent une
vingtaine de colonnes qui graviraient les flancs sud, est et ouest. Chacune ne
compterait que soixante-dix ou quatre-vingts hommes, mais, menés ensemble, ces
petits assauts devaient nous écraser. Nous pourrions peut-être en repousser
trois ou quatre, mais les
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