Excalibur
bien
votre mur de boucliers ! Maintenez-le bien ! Allons-y ! »
Nous poussâmes
des vivats en franchissant le rebord du plateau. Les hommes de Cerdic envoyés
pour espionner le sommet s’arrêtèrent, puis firent retraite comme de plus en
plus de lanciers apparaissaient au-dessus d’eux. Nous étions cinq cents à
descendre la colline en biais pour aller attaquer l’avant-garde des renforts de
Cerdic.
Le sol était
herbu, escarpé et inégal. Nous descendions en désordre, luttant de vitesse pour
arriver en bas et là, après avoir traversé en courant le champ de blé piétiné
et franchi deux haies enchevêtrées d’épines, nous formâmes notre mur. Je pris
position à gauche de la ligne, Cuneglas à droite, et lorsque nos boucliers se
touchèrent, je criai à mes hommes d’avancer. Un mur de boucliers saxons se
constituait devant nous, car les ennemis quittaient la route en toute hâte pour
nous affronter. Je regardai sur ma droite tout en avançant et aperçus une
énorme brèche entre les hommes de Sagramor et nous, un intervalle si large que
je ne pouvais même pas distinguer sa bannière. Je haïssais l’idée même de l’horreur
qui pouvait se déverser dans cette brèche et survenir derrière nous, mais
Arthur s’était montré inflexible. N’hésitez pas, avait-il dit, n’attendez pas
que Sagramor vous rejoigne, contentez-vous d’attaquer. C’était sûrement lui qui
avait persuadé les chrétiens du Gwent de livrer assaut sans prendre le temps de
souffler. Il essayait de plonger les Saxons dans la panique en leur refusant
tout délai, et maintenant, c’était notre tour d’entrer rapidement dans la
bataille.
Le mur des
Saxons, mince et improvisé, comptait peut-être deux cents hommes de Cerdic qui
ne s’étaient pas attendus à combattre ici, mais avaient pensé se joindre à l’arrière-garde
d’Aelle. Nous étions tout aussi tendus qu’eux, mais ce n’était pas le moment de
laisser la peur éroder notre vaillance. Nous devions faire ce que les hommes de
Tewdric avaient fait, charger sans nous arrêter pour désarçonner l’ennemi,
aussi je poussai un rugissement et hâtai le pas. J’avais tiré Hywelbane et la
tenais par la partie supérieure de la lame, de la main gauche, laissant le
bouclier pendre sur mon avant-bras. Je brandissais ma lourde lance de la main
droite. L’ennemi se serra en traînant les pieds, écu contre écu, lances levées
et, sur ma gauche, on détacha la laisse d’un grand chien de guerre pour le
lancer contre nous. J’entendis la bête hurler, puis la folie de la bataille me
fit tout oublier, sauf les visages barbus, devant moi.
Une terrible
haine monte en vous dans une bataille, une haine qui vient de la noirceur de l’âme
et vous remplit d’une colère féroce et sanguinaire. On y prend plaisir, aussi.
Je savais que le mur de boucliers saxon se briserait. Je le savais longtemps
avant de l’attaquer. Il était trop mince, il avait été formé à la hâte, et les
Saxons étaient très nerveux, aussi je sortis du rang et criai ma haine en
courant sus à l’ennemi. À cet instant, tout ce que je voulais, c’était tuer.
Non, je voulais plus encore, je voulais que les bardes chantent Derfel Cadarn
au Mynydd Baddon. Je voulais que l’on me regarde en disant : c’est le
guerrier qui a rompu le mur au Mynydd Baddon, je voulais le pouvoir qui accompagne
le renom. Une douzaine d’hommes en Bretagne possédaient ce pouvoir. Arthur,
Sagramor, Culhwch en faisaient partie, et c’était un pouvoir qui dépassait tous
les autres, sauf celui de la royauté. Dans notre monde, c’était par l’épée que
l’on gagnait son rang, et se dérober à elle, c’était perdre l’honneur, aussi je
me précipitai en avant, la folie emplissait mon âme et l’exultation me donnait
une terrible puissance tandis que je choisissais mes victimes. Ce furent deux
jeunes hommes, plus petits que moi, tous deux tendus, tous deux portant de
maigres barbes, et ils reculèrent avant même que je les frappe. Ils voyaient un
seigneur de la guerre breton dans tout son éclat, et moi, je voyais deux Saxons
morts.
Ma lance s’enfonça
dans la gorge de l’un d’eux. Je la lâchai tandis qu’une hache s’abattait sur
mon bouclier, mais je l’avais vue venir et parai le coup. Puis je frappai le
second de mon écu et fourrai mon épaule au centre de celui-ci tandis que j’empoignais
Hywelbane de la main droite. Je l’abattis et vis voler un éclat arraché à la
hampe
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