Excalibur
nord de la
muraille. Les lanciers du Gwent s’étaient établis au pont, laissant la
cavalerie lourde libre de chevaucher derrière cette ligne cramoisi et or. Tout
semblait arriver si lentement. Du Mynydd Baddon, nous avions le champ visuel d’un
aigle et nous vîmes les derniers Saxons franchir en courant la muraille éboulée
de la cité, le mur de boucliers d’Aelle se durcir enfin et les hommes de Cerdic
se précipiter sur la route pour le renforcer, et nous exhortâmes
silencieusement Arthur et Tewdric à avancer, souhaitant qu’ils écrasent les
hommes d’Aelle avant que Cerdic puisse se joindre à la bataille, mais on aurait
dit que l’assaut adoptait maintenant un train d’escargot. Nul ne semblait se
hâter, sinon les messagers montés qui filaient comme des flèches entre les
troupes de lanciers.
Les forces d’Aelle
avaient reculé à un quart de lieue d’Aquae Sulis avant de former leurs rangs et
maintenant elles attendaient l’assaut d’Arthur. Leurs sorciers caracolaient
dans les champs entre les armées, mais je ne vis pas de druides devant les
hommes de Tewdric. Ils marchaient sous la garde de leur Dieu chrétien et,
enfin, après avoir remis de l’ordre dans leur mur de boucliers, ils se
rapprochèrent de l’ennemi. Je m’attendais à voir s’engager une conférence entre
les lignes, les chefs des armées échanger leurs insultes rituelles pendant que
les adversaires se jaugeaient mutuellement. J’avais vu des murs de boucliers se
regarder fixement durant des heures pendant que les hommes rassemblaient leur
courage pour charger, mais ces chrétiens du Gwent ne s’arrêtèrent pas. Il n’y
eut pas de rencontre des chefs, les sorciers saxons n’eurent pas le temps de jeter
leurs sorts, car les chrétiens baissèrent simplement leurs lances, levèrent
leurs écus oblongs ornés de croix et marchèrent droit, entre les tombes
romaines, vers les boucliers de l’ennemi.
Nous
entendîmes sur la colline le heurt sonore des deux murs. Un grondement sourd,
comme un coup de tonnerre souterrain, le bruit de centaines de boucliers et de
lances se heurtant tandis que les deux grandes armées s’écrasaient l’une contre
l’autre. Les hommes du Gwent s’étaient arrêtés, retenus par le poids des Saxons
qui pesaient contre eux, et je savais que des hommes étaient en train de
mourir. Transpercés par une lance, fendus en deux par une hache, piétinés. Des
hommes crachaient et montraient les dents par-dessus le bord de leurs
boucliers, et la pression des corps devait être si grande qu’on pouvait à peine
brandir une épée.
Puis les
guerriers de Sagramor prirent l’ennemi par le flanc. Les Numides avaient espéré
déborder Aelle, mais le roi saxon avait vu le danger et envoyé des troupes de
réserve former une ligne de boucliers et de lances qui reçut la charge de Sagramor.
De nouveau, le choc des boucliers retentit, puis, pour nous qui avions le champ
visuel d’un aigle, la bataille devint étrangement statique. Deux armées étaient
engagées corps à corps, l’arrière-garde poussait ceux qui étaient devant, les
combattants de la première ligne s’efforçaient de libérer leurs lances pour
frapper de nouveau, et pendant tout ce temps, les hommes de Cerdic se hâtaient
sur la Voie du Fossé. Lorsque ces hommes arriveraient sur le champ de bataille,
ils pourraient aisément déborder Sagramor. Ils le contourneraient par le flanc
et attaqueraient son mur de boucliers par derrière. C’était pour cette
éventualité qu’Arthur nous avait gardés sur la colline.
Cerdic avait
dû deviner que nous étions toujours là. Il ne pouvait rien voir de la vallée,
car nos hommes se cachaient derrière les remparts peu élevés du Mynydd Baddon,
mais je vis le roi saxon rejoindre au galop un groupe d’hommes et leur montrer
le versant. Il était temps pour nous d’entrer en action et je regardai
Cuneglas. Il se tourna vers moi au même instant et me sourit. « Les Dieux
soient avec toi, Derfel.
— Et avec
toi, Seigneur Roi. » Je touchai la main qu’il me tendait, puis pressai ma
paume contre ma cotte de mailles pour sentir la bosse rassurante de la broche
de Ceinwyn.
Cuneglas monta
sur le rempart, se tourna vers nous et cria : « Je ne suis pas doué
pour les discours, mais il y a des Saxons en bas et l’on vous considère comme
les meilleurs tueurs de Saxons de toute la Bretagne. Alors prouvez-le ! Et
souvenez-vous ! Une fois que vous serez dans la vallée, maintenez
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