Excalibur
d’une lance saxonne, puis je sentis mes hommes arriver derrière moi. Je
brandis Hywelbane au-dessus de ma tête, frappai de nouveau, criai une fois
encore, la fis tournoyer et soudain, devant moi, il n’y eut plus que de l’herbe,
des boutons d’or, la route et, au-delà, les prés de la rivière. J’avais franchi
le mur et criai ma victoire. Je me retournai, enfonçai Hywelbane dans le creux
des reins d’un homme, la libérai d’une torsion, vis le sang couler de sa pointe
et, soudain, il n’y eut plus d’ennemis. Les Saxons avaient disparu, ou plutôt,
ils s’étaient changés en tas de chair morte ou mourante dont le sang imprégnait
l’herbe. Je me souviens d’avoir levé mon écu et mon épée vers le soleil et d’avoir
hurlé des remerciements à Mithra.
« Le mur
de boucliers ! » J’entendis Issa beugler cet ordre tandis que je
célébrais ma victoire. Je me baissai pour récupérer ma lance puis, me
retournant, je vis d’autres Saxons arriver à pas pressés de l’est.
« Le mur
de boucliers ! » Je répercutai le cri d’Issa. Cuneglas formait son
propre mur face à l’ouest pour nous défendre contre l’arrière-garde d’Aelle
pendant que je tournais le nôtre vers l’est d’où arrivaient les hommes de
Cerdic. Mes guerriers criaient et conspuaient l’ennemi. Ils avaient transformé
un mur de boucliers en abats de boucherie et en voulaient encore plus. Derrière
moi, dans l’intervalle entre les hommes de Cuneglas et les miens, quelques
blessés saxons survivaient encore, mais trois de mes hommes les achevèrent
rapidement. Ils leur tranchèrent la gorge, car nous n’avions pas le temps de
faire des prisonniers. Guenièvre les y aida.
« Seigneur !
Seigneur ! » C’était Eachern qui, à l’extrémité droite de notre mur
trop court, pointait le doigt vers une foule de Saxons qui se hâtaient de
franchir l’espace entre la rivière et nous. Cette brèche était large, mais ces
ennemis ne nous menaçaient pas, ils se précipitaient au secours d’Aelle.
« Laissez-les
faire ! » criai-je. J’étais plus ennuyé par les Saxons qui étaient
devant nous, car ils s’étaient arrêtés pour se reformer. Ils avaient vu ce que
nous venions de faire et ne voulaient pas qu’il leur arrive la même chose,
aussi se rassemblèrent-ils sur quatre à cinq rangs d’épaisseur ; puis ils
acclamèrent l’un de leurs sorciers qui vint nous maudire en caracolant. C’était
l’un de ces magiciens fous, car son visage se tordait convulsivement tandis qu’il
nous crachait des ordures. Les Saxons prisaient beaucoup ces déments, pensant
qu’ils avaient l’oreille des Dieux, et ceux-ci durent blêmir en entendant les
injures de cet homme.
« Est-ce
que je le tue ? » me demanda Guenièvre en maniant son arc.
« J’aimerais
mieux ne pas vous voir ici, Dame.
— Il est
un peu tard pour désirer cela, Derfel.
— Laissez-le
tranquille. » Les malédictions du sorcier n’inquiétaient pas mes hommes
qui criaient aux Saxons de venir goûter à leurs lames, mais nos adversaires n’étaient
pas en humeur d’avancer. Ils attendaient des renforts et ceux-ci n’étaient pas
loin. « Seigneur Roi ! » J’appelai Cuneglas qui se retourna. « Peux-tu
voir Sagramor ? lui demandai-je.
— Non,
pas encore. »
Je ne voyais
pas plus Œngus Mac Airem dont les Blackshields étaient censés se déverser des
collines pour prendre les Saxons à revers. Je commençai à craindre que nous
ayons chargé trop tôt et que nous soyons piégés entre les troupes d’Aelle, qui
se remettaient de leur panique, et les lanciers de Cerdic qui épaississaient
soigneusement leur mur de boucliers avant de venir nous terrasser.
Eachern cria
de nouveau et, me tournant vers le sud, je vis que les Saxons couraient
maintenant vers l’est et non l’ouest. Les champs entre notre mur et la rivière
étaient pleins d’hommes pris de panique et, durant un battement de cœur, je fus
trop stupéfait pour comprendre ce que je voyais, puis j’entendis un bruit.
Semblable au tonnerre. Un bruit de sabots.
Les chevaux d’Arthur
étaient grands et forts. Sagramor m’avait dit un jour que notre chef les avait
pris à Clovis, le roi des Francs, qu’ils appartenaient à une race élevée pour
les Romains, et qu’en Bretagne, il n’y en avait nul autre de cette taille. Arthur
avait été dépouillé d’un bon nombre de ces destriers par Lancelot et je m’étais
presque attendu à voir ces
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