Excalibur
malédictions.
— Nous
avons fait venir le druide de Cefu-crib ; il a gratté le sang et nous a
donné une pierre de sorcière. » Elle se tut et regarda, les yeux pleins de
larmes, la pierre percée suspendue au-dessus du lit de Ceinwyn. « Mais la
malédiction ne partira pas ! cria-t-elle. Elle va mourir !
— Pas
encore, dis-je, pas encore. » Je n’arrivais pas à croire à la mort
imminente de Ceinwyn car elle avait toujours joui d’une si belle santé. Pas un
de ses cheveux ne grisonnait, elle avait encore toutes ses dents et était
souple comme une jeune fille quand j’avais quitté Isca, et maintenant, soudain,
elle paraissait vieille et comme ravagée. Et elle souffrait. Elle ne pouvait
pas nous dire sa douleur, mais son visage la révélait et les larmes qui
coulaient sur ses joues la criaient bien haut.
Taliesin la regarda
fixement pendant longtemps et déclara qu’on lui avait jeté un mauvais sort.
Morgane cracha sur cette opinion. « Superstition païenne ! »
croassa-t-elle ; elle alla chercher d’autres herbes médicinales qu’elle
mit à bouillir dans de l’hydromel, puis en fit prendre une cuillerée à Ceinwyn.
Morgane se montra très douce avec elle, même si, tandis qu’elle introduisait
goutte à goutte le liquide entre ses lèvres, elle la traitait de pécheresse
païenne.
J’étais
impuissant. Tout ce que je pouvais faire, c’était rester assis à côté de
Ceinwyn, lui tenir la main et pleurer. Ses cheveux étaient devenus raides,
ternes, et deux jours après mon retour, ils commencèrent à tomber par poignées.
Ses furoncles crevèrent, inondant le lit de pus et de sang. Morwenna et Morgane
renouvelèrent la paille et le linge, mais tous les jours, Ceinwyn souillait sa
couche et il fallait faire bouillir ses draps dans une cuve. La douleur ne
cessait pas, elle était si intense qu’au bout d’un moment, je me mis à
souhaiter que la mort arrache Ceinwyn à ses tourments, pourtant la pauvre
malade ne mourait pas. Elle souffrait et, parfois, hurlait de douleur en me
serrant les doigts avec une force terrible, et moi, je ne pouvais que lui essuyer
le front, répéter son nom et sentir la peur de la solitude se glisser en moi.
J’aimais
tellement ma Ceinwyn. Même aujourd’hui, des années après, je souris en pensant
à elle, et parfois, je me réveille en pleine nuit le visage couvert de larmes,
et je sais que je les verse sur elle. Nous avions entamé notre vie de couple
dans une flambée de passion et les gens sages disent que ce genre de sentiment
ne saurait durer, mais le nôtre se mua simplement en un long et profond amour.
Je la chérissais et je l’admirais, sa présence illuminait mes jours, et
soudain, impuissant, je ne pouvais que regarder des démons la torturer, toute
frissonnante de douleur, les furoncles s’enflammer et durcir et crever en
répandant du pus. Et elle ne mourait toujours pas.
Certains
jours, Galahad ou Arthur me relevait à son chevet. Tout le monde essayait de
nous venir en aide. Guenièvre envoya quérir les femmes les plus sages des
collines de Silurie et mit de l’or dans leurs paumes afin qu’elles rapportent
de nouvelles herbes médicinales ou l’eau de quelque lointaine source sacrée. Culhwch,
chauve maintenant, mais toujours grossier et belliqueux, pleura sur Ceinwyn ;
il me donna un carreau d’arbalète, ayant appartenu à un elfe, qu’il avait
trouvé dans les collines de l’ouest. Lorsque Morgane trouva le fétiche païen
dans le lit de Ceinwyn, elle le jeta, tout comme elle avait jeté la pierre de
sorcière du druide et l’amulette découverte entre les seins de Ceinwyn. L’évêque
Emrys priait pour ma femme, et même Sansum, avant qu’il parte pour le Gwent, se
joignit à lui ; pourtant je doutais que ses supplications soient aussi
sincères que celles qu’Emrys lançait à Dieu. Morwenna se dévouait totalement à
sa mère et personne ne se battit plus fort qu’elle pour la guérir. Elle la
soignait, faisait sa toilette, priait pour elle, pleurait avec elle. Guenièvre,
bien entendu, ne pouvait supporter la vue de la maladie ou l’odeur de cette
chambre, mais elle marchait avec moi pendant des heures tandis que Galahad ou
Arthur tenait la main de Ceinwyn. Je me souviens d’un jour où nous sommes allés
jusqu’à l’amphithéâtre et, tandis que nous arpentions l’arène sablée, Guenièvre
tenta, maladroitement, de me consoler. « Tu as de la chance, Derfel, car
tu as connu quelque chose de
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