Excalibur
l’eau de mer pour
recueillir le sel et on fumait les prises du jour, et aussi les filets des
pêcheurs suspendus à des perches plantées dans le sable, puis j’aperçus les
cavaliers.
La lumière du
soleil se refléta sur la pointe d’une lance, puis d’une autre, et soudain je
vis une vingtaine d’hommes, peut-être plus, sur une route qui menait à l’intérieur
des terres. « Cachons-nous ! » cria Arthur, et nous dévalâmes la
dune, nous attrapâmes Seren et Arthur-bach au passage, et nous nous accroupîmes
comme des coupables derrière les remparts croulants du fort.
« Ils ont
dû nous voir. Seigneur, dis-je.
— Peut-être
pas.
— Combien
sont-ils ? demanda Culhwch.
— Vingt ?
Trente ? estima Arthur. Peut-être plus. Ils sortaient d’un bois. Il pourrait
y en avoir une centaine. »
J’entendis un
doux raclement et, me retournant, je vis que Culhwch avait tiré son épée. Il me
fit un grand sourire. « Même s’ils sont deux cents, je m’en moque, Derfel,
ils ne me couperont pas la barbe.
— Pourquoi
voudraient-ils ta barbe ? demanda Galahad. Puante et pleine de poux. »
Culhwch éclata
de rire. Il se plaisait à taquiner Galahad, qui le lui rendait bien, et il
cherchait encore sa réplique lorsque Arthur, relevant la tête avec prudence,
observa l’approche des lanciers. Il se figea, et cette immobilité, ce silence,
nous rassurèrent, puis soudain il se redressa et fit de grands signes. « C’est
Sagramor ! nous cria-t-il, exultant de joie. C’est Sagramor ! »
répéta-t-il, et il était si excité qu’Arthur-bach reprit sa joyeuse
exclamation. « C’est Sagramor ! » cria le petit garçon, et nous
escaladâmes le rempart pour voir le sinistre drapeau noir de Sagramor flotter
en haut d’une hampe de lance que couronnait un crâne. Le Numide, coiffé de son
casque noir conique, venait en tête et, apercevant Arthur, il éperonna son
cheval pour traverser la plage. Arthur courut l’accueillir, Sagramor sauta de
sa selle, tomba à genoux et saisit son ami par la taille.
« Seigneur !
Seigneur ! Je croyais ne plus jamais te revoir. » C’était là une
manifestation de sentiments bien rare chez lui.
Arthur le
releva, puis le serra dans ses bras. « Nous devions vous retrouver en
Brocéliande, mon ami.
— En
Brocéliande ? » dit Sagramor, puis il cracha. « Je déteste la
mer. » Il y avait des larmes sur son visage noir et je me souvins qu’il m’avait
expliqué, un jour, pourquoi il suivait Arthur : « Parce que quand je
n’avais rien, il m’a tout donné. » Sagramor n’était pas venu ici parce qu’il
rechignait à s’embarquer, mais parce qu’Arthur avait besoin d’aide.
Le Numide
avait amené quatre-vingt-trois hommes, et Einion, le fils de Culhwch, était
avec eux. « Je n’ai trouvé que quatre-vingt-douze chevaux, Seigneur. Il m’a
fallu des mois pour les rassembler. » Il avait espéré distancer les forces
de Mordred et conduire tous ses hommes sains et saufs en Silurie, mais avait dû
se contenter d’en amener autant qu’il pouvait jusqu’à cette langue de sable
entre la lagune et l’océan. Certains des chevaux s’étaient écroulés en cours de
route, mais quatre-vingt-trois avaient survécu.
« Où sont
tes autres hommes ? demanda Arthur.
— Ils se
sont embarqués hier pour le sud avec toutes nos familles », répondit
Sagramor, puis il se dégagea de l’étreinte d’Arthur et nous regarda. Nous
avions sans doute l’air d’une bande lamentable et abattue, car il nous offrit l’un
de ses rares sourires avant de s’incliner profondément devant Guenièvre et Ceinwyn.
« Nous n’avons
qu’un seul bateau, dit Arthur, l’air ennuyé.
— Alors,
tu le prendras, Seigneur, répliqua calmement Sagramor, et nous, nous irons à
Kernow. Nous y trouverons des navires et nous te suivrons. Mais je voulais te
rejoindre de ce côté de l’eau, au cas où tes ennemis te retrouveraient.
— Jusqu’ici,
nous n’en avons pas vu, dit Arthur en touchant la garde d’Excalibur, du moins
pas de ce côté de la mer de Severn. Notre navire sera prêt au crépuscule, et
alors nous partirons.
— Eh
bien, je te protégerai jusqu’au coucher du soleil », conclut Sagramor, et
ses hommes se laissèrent glisser de leurs selles, se débarrassèrent des
boucliers qu’ils portaient sur leur dos et plantèrent leurs lances dans le
sable. Leurs chevaux, blancs de sueur et pantelants, restèrent debout,
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