Excalibur
Les
quelques survivants étaient piégés entre nous et la mer, et nous les tuâmes
avec acharnement. Les chevaux hennissaient et fouettaient l’air de leurs sabots
en mourant. Les vaguelettes étaient rosés et le sable noir de sang.
Nous tuâmes
vingt d’entre eux et fîmes seize prisonniers, et quand ces derniers nous eurent
révélé tout ce qu’ils savaient, nous les tuâmes aussi. Arthur grimaça en
donnant cet ordre, car il détestait massacrer des hommes désarmés, mais nous n’avions
pas assez de lanciers pour en consacrer à la garde de prisonniers, et puis nous
n’avions aucune compassion pour ces ennemis qui portaient des boucliers sans
emblème pour se glorifier de leur sauvagerie. Nous les exécutâmes vite, les
forçant à s’agenouiller dans le sable pour que Hywelbane ou le sabre de
Sagramor les décapitent. C’étaient des hommes de Mordred, menés par lui sur la
plage, mais au premier signe de notre embuscade, il était reparti en criant à
ses hommes de faire retraite. « J’ai failli le rejoindre », dit
Arthur d’un air piteux. Mordred nous avait échappé, mais la première victoire
était à nous, même si trois de nos hommes étaient morts au combat et que sept
autres saignaient vilainement. « Comment Gwydre s’est-il comporté ?
me demanda son père.
— Avec
bravoure, Seigneur, avec bravoure. « Mon épée était rouge de sang et je
tentai de la nettoyer avec une poignée de sable. » Il a tué, Seigneur,
précisai-je pour rassurer Arthur.
— Bien. »
Il alla mettre le bras autour des épaules de son fils. De mon unique main, je
frottai le sang déposé sur Hywelbane, puis libérai la boucle de mon casque et l’ôtai.
Nous achevâmes
les chevaux blessés et ramenâmes au fort les bêtes indemnes, puis nous ramassâmes
les armes et les boucliers de nos ennemis. « Ils ne reviendront pas,
dis-je à Ceinwyn, à moins qu’ils reçoivent des renforts. » Je regardai le
soleil et vis qu’il montait lentement dans un ciel sans nuages.
Nous
disposions de très peu d’eau, seulement de ce que les hommes de Sagramor
avaient apporté dans leurs petits bagages, aussi nous dûmes la rationner. Ce
serait un long jour de soif, surtout pour nos blessés. L’un d’eux frissonnait.
Son visage était pâle, presque jaune, et lorsque Sagramor tenta de faire
couler, goutte à goutte, un peu d’eau dans sa bouche, l’homme mordit
convulsivement le bord de l’outre. Il se mit à gémir et le bruit de son agonie
écorchait nos âmes, aussi le Numide hâta-t-il la mort du blessé avec son épée. « Nous
devrions allumer un bûcher funéraire au bout de la péninsule. » Il montra
d’un signe de tête la plate langue de sable où la mer avait déposé un
enchevêtrement de bois flotté blanchi par le soleil.
Arthur ne
parut pas entendre cette suggestion. « Si tu veux, tu peux partir vers l’ouest
maintenant, dit-il à Sagramor.
— Et te
laisser ici ?
— Si tu
restes, je ne vois pas comment tu pourrais partir. Nous n’avons qu’un seul
bateau. Mordred va recevoir des renforts. Nous, aucun.
— Cela
fera d’autres hommes à tuer », répliqua sèchement Sagramor, mais je pense
qu’il savait qu’en restant il rendait sa mort certaine. Le bateau de Caddwg
pouvait transporter vingt personnes à bon port, certainement pas plus. « Nous
pouvons nager jusqu’à l’autre rive, Seigneur, dit-il en désignant la berge
orientale du chenal profond qui prolongeait la langue de sable. Ceux d’entre
nous qui savent nager, ajouta-t-il.
— En
fais-tu partie ?
— Jamais
trop tard pour apprendre. » Sagramor cracha. « Et puis, nous ne
sommes pas encore morts. »
Ni vaincus, et
chaque minute qui passait nous rapprochait de notre salut. Je vis les hommes de
Caddwg porter la voile jusqu’au Prydwen qui reposait, penché, au bord de
la mer. Son mât était dressé, mais il fallait encore y gréer les cordages ;
dans une heure ou deux, la marée se mettrait à monter et le bateau flotterait
de nouveau, prêt pour le voyage. Il nous suffisait de tenir jusqu’à la fin de l’après-midi.
Nous nous occupâmes en édifiant un immense bûcher avec le bois flotté, et quand
il brûla, nous lançâmes les corps de nos morts dans les flammes. Leurs cheveux
s’embrasèrent, puis s’éleva l’odeur de la chair rôtie. Nous y jetâmes plus de
bois jusqu’à ce que le feu devienne un brasier rugissant, incandescent.
« Une
barrière de fantômes pourrait dissuader
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