Excalibur
deux cents
pas, était plate.
Arthur
attendit que nous nous soyons cachés, puis mena ses trente hommes sur le sable
mouillé ridé par la mer, tout près du rivage. Nous nous tapîmes derrière la
haute dune. J’avais laissé ma lance au fort, préférant mener cette bataille
avec Hywelbane seule. Sagramor aussi avait prévu de ne se battre qu’au sabre.
Avec une poignée de sable, il frottait une tache de rouille sur la lame
incurvée. « Tu as perdu ta barbe, me grommela-t-il.
— Je l’ai
échangée contre la vie d’Amhar. »
Je vis ses
dents étinceler tandis qu’il souriait dans l’ombre de ses protège-joues. « Une
bonne affaire, dit-il, et ta main ?
— Contre
de la magie.
— Mais ce
n’est pas celle qui tient l’épée. » Il brandit la lame pour capter la
lumière, fut satisfait de voir que la rouille avait disparu, puis pencha la
tête sur le côté, pour écouter, mais nous ne pouvions rien entendre, que le
bruit des vagues. « Je n’aurais pas dû venir, finit-il par dire.
— Pourquoi ? »
Je n’avais jamais vu Sagramor esquiver un combat.
« Ils ont
dû me suivre, répondit-il en montrant l’ennemi, d’un geste de tête.
— Ils
auraient pu apprendre que nous venions ici de bien d’autres façons »,
dis-je pour le réconforter ; pourtant, sauf si Merlin nous avait trahis en
parlant de Camlann à Nimue, il semblait plus probable que Mordred ait laissé
quelques cavaliers légèrement armés surveiller Sagramor, et que ces éclaireurs
lui aient livré notre cachette. Quoi qu’il en fût, il était maintenant trop
tard. Les hommes de Mordred savaient où nous étions et c’était maintenant une
course entre Caddwg et l’ennemi.
« Vous
entendez ? » cria Gwydre. Il était en armure et portait l’ours de son
père sur son bouclier. Il semblait nerveux, et ce n’était guère étonnant, car
il s’agissait de sa première vraie bataille.
J’écoutai. Mon
casque rembourré de cuir étouffait les sons, mais j’entendis enfin le bruit
sourd de sabots sur le sable.
« Restez
cachés ! » grogna Sagramor à ses hommes qui tentaient de regarder
par-dessus la crête de la dune. Les chevaux dévalaient la plage au galop. Le
grondement se rapprochait, aussi fort que le tonnerre, tandis que nous serrions
nos lances et nos épées. Le casque de Sagramor avait pour cimier le masque d’un
renard grimaçant. Je le regardais fixement, mais n’entendais que le bruit de
plus en plus fort des sabots. Il faisait chaud et la sueur dégoulinait sur mon
visage. Ma cotte de mailles me semblait lourde, mais il en était toujours ainsi
avant que la bataille s’engage.
Les premiers
chevaux passèrent bruyamment devant nous, puis Arthur hurla de la plage : « Maintenant !
Maintenant ! Maintenant !
— Chargez ! »
cria Sagramor et nous gravîmes le versant intérieur de la dune. Nos bottes
glissaient dans le sable, et j’eus l’impression que je n’atteindrais jamais le
sommet, mais nous franchîmes la crête et descendîmes en courant vers un tourbillon
de cavaliers qui martelaient le sable mouillé, près de la mer. Arthur s’était
retourné et ses trente hommes se heurtaient à leurs poursuivants, deux fois
plus nombreux qu’eux. Lorsqu’ils nous virent accourir sur leur flanc, les plus
prudents des ennemis firent aussitôt volte-face et battirent en retraite vers l’ouest,
mais la plupart demeurèrent pour se battre.
Je poussai un
cri de défi, reçus au centre de mon bouclier le coup de lance d’un cavalier,
frappai la patte arrière du cheval pour lui trancher le jarret puis, comme il
basculait vers moi, plongeai Hywelbane dans le dos de l’homme. Il hurla de douleur,
et je fis un saut en arrière tandis que sa monture et lui s’abattaient en un
tourbillon de sabots, de sable et de sang. Je donnai un coup de pied au blessé
qui se tortillait, le transperçai de ma lame, puis parai un faible coup de
lance porté par un cavalier paniqué. Sagramor poussait de terribles cris de
guerre et Gwydre frappait de sa lance un homme tombé au bord de l’eau. Les
ennemis abandonnèrent le combat et lancèrent leurs chevaux dans les hauts-fonds
où la mer, en se retirant, ramenait dans les vagues un tourbillon de sang et de
sable. Je vis Culhwch éperonner son cheval pour rejoindre un adversaire qu’il
arracha de sa selle. L’homme tenta de se relever, mais mon ami brandit son épée
au-dessus de sa tête, fit virevolter son cheval et frappa de nouveau.
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