Excalibur
des hors-la-loi, des hommes
sans maître qui avaient rejoint Mordred parce qu’il leur promettait pillage et
viols. À chaque minute, d’autres venaient grossir leurs rangs, mais les
nouveaux venus étaient épuisés et avaient mal aux pieds, de plus l’étroitesse
de la levée limitait le nombre d’ennemis en mesure de venir affronter nos
lances. Ils pouvaient nous faire reculer, mais pas nous déborder.
Et aucun d’entre
eux ne viendrait affronter Culhwch, semblait-il. Il s’était posté face à
Mordred, qui se tenait au centre de la ligne ennemie. « Tu es né d’une
putain laide comme un crapaud, cria-t-il au roi, et couverte par un lâche.
Viens te battre avec moi ! Je boite ! Je suis vieux ! Je suis
chauve ! Mais tu n’oses pas m’affronter ! » Il cracha vers
Mordred, mais aucun de ses hommes ne bougea. « Vous êtes des enfants ! »
railla-t-il, puis il leur tourna le dos, pour montrer son mépris.
C’est alors qu’un
jeune s’arracha aux rangs ennemis. Son casque était trop grand pour son visage
imberbe, son plastron n’était qu’une piètre protection de cuir et les planches
de son bouclier bâillaient. C’était un gamin qui avait besoin de tuer un
champion pour assurer sa fortune et il courut sus à Culhwch en hurlant sa haine ;
les hommes de Mordred l’acclamèrent.
Notre ami se
retourna, à demi accroupi, et pointa sa lance vers le bas-ventre de son ennemi.
Le jeune homme brandit son épée, pensant l’abattre sur le bouclier de Culhwch,
puis poussa un cri de triomphe en frappant, mais sa voix s’étouffa dans sa
gorge lorsque la lance de son adversaire remonta soudain pour lui arracher l’âme,
qui jaillit par sa bouche ouverte. Culhwch, le vétéran, recula aussitôt. Son
bouclier n’avait même pas été effleuré. Le mourant trébucha, la lance toujours
fichée dans sa gorge. Il se tourna à demi vers Culhwch, puis tomba. Notre ami
écarta la lance de l’ennemi d’un coup de pied, libéra la sienne et l’enfonça
dans le cou du jeune homme. Puis il sourit aux hommes de Mordred. « Quelqu’un
d’autre ? » cria-t-il. Personne ne bougea. Culhwch cracha vers
Mordred puis revint dans nos rangs qui l’acclamaient. Il me fit un clin d’œil
en approchant. « Tu vois comment on fait, Derfel ? Regarde et
apprends. » Mes voisins éclatèrent de rire.
Le Prydwen était à flot maintenant, le reflet de sa coque pâle miroitait sur l’eau que
faisait onduler un petit vent d’ouest. Cette brise nous apportait la puanteur
des hommes de Mordred, mélange d’odeurs de cuir, de sueur et d’hydromel.
Beaucoup d’entre eux devaient être ivres, car sans cela ils n’auraient jamais
osé nous affronter. Je me demandai si le jeune dont la bouche et le gosier
étaient maintenant noirs de mouches avait eu besoin du courage que procure l’hydromel
pour s’en prendre à Culhwch. Mordred essayait de pousser ses hommes à avancer
et les plus braves encourageaient leurs camarades. Le soleil nous sembla
soudain avoir bien baissé, car il commença à nous éblouir ; je n’avais pas
réalisé qu’autant de temps était passé pendant que Fergal nous maudissait et
que Culhwch se gaussait des ennemis, pourtant ceux-ci ne trouvaient toujours
pas le courage de nous attaquer. Quelques-uns tentaient d’avancer, mais le
reste demeurait sur place, et Mordred les injuriait en reformant leur ligne et
les pressait de nouveau. Il en était toujours ainsi. Il faut un grand courage
pour affronter un mur de boucliers, et le nôtre, bien que comptant peu d’hommes,
était serré et truffé de célèbres guerriers. Je jetai un coup d’œil sur le Prydwen et vis sa voile tomber de la vergue, et constatai qu’elle était rouge sang et
portait l’ours noir d’Arthur. Elle avait coûté beaucoup d’or à Caddwg, mais
soudain, il ne fut plus temps de contempler le navire éloigné, car les hommes
de Mordred approchaient enfin et les plus braves exhortaient les autres à courir.
« Tenez
bon ! » cria Arthur. Nous pliâmes les genoux pour soutenir le choc.
Les ennemis furent à douze pas, puis dix, et ils hurlaient, sur le point de
charger, quand Arthur cria de nouveau : « Maintenant ! » et
sa voix arrêta la ruée car ils ne savaient pas ce qu’il voulait dire ;
Mordred alors les exhorta à tuer et pour finir, ils nous attaquèrent.
Ma lance
heurta un bouclier et fut rabattue vers le sol. Je la lâchai et m’emparai d’Hywelbane
que j’avais enfoncée dans le sable,
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