Excalibur
charmes dans une taverne, près de la porte
nord de Durnovarie, tandis que Galahad et moi pénétrions dans la ville avec le
jeune Gwydre. L’atmosphère était joyeuse, on aurait cru qu’une grande foire d’automne
avait rempli les rues de Durnovarie et débordé dans les prés environnants. Des
marchands avaient dressé leurs étals, les tavernes ne désemplissaient pas, des
jongleurs éblouissaient les foules et une douzaine de bardes chantaient des
ballades. Un ours savant montait et descendait la pente à pas pesants devant la
maison de l’évêque Emrys, rendu-plus dangereux encore par les bols d’hydromel
que lui offrait la foule. Je surpris l’évêque Sansum en train d’épier le gros
animal par une fenêtre, mais quand il me vit, il se rejeta en arrière et ferma
le volet de bois. « Combien de temps va-t-il rester prisonnier ? me demanda
Galahad.
— Jusqu’à
ce qu’Arthur lui pardonne, ce qu’il fera car Arthur pardonne toujours à ses
ennemis.
— C’est
vraiment chrétien, de sa part.
— C’est
vraiment stupide », dis-je en m’assurant que Gwydre ne pouvait pas m’entendre.
Il était allé voir l’ours. « Mais je ne pense pas qu’Arthur pardonnera à
ton demi-frère. Je l’ai rencontré il y a quelques jours.
— Lancelot ?
demanda Galahad, l’air surpris. Où ?
— En
compagnie de Cerdic. »
Galahad fit le
signe de croix, inconscient des regards mauvais qu’il s’attirait. À Durnovarie,
comme dans la plupart des villes de Dumnonie, la majorité des gens étaient
chrétiens, mais aujourd’hui les rues fourmillaient de paysans païens et beaucoup
étaient désireux de se colleter avec leurs ennemis. « Tu penses que
Lancelot va combattre pour Cerdic ?
— S’est-il
jamais battu ? répondis-je, sarcastique.
— Il peut
le faire.
— Alors,
ce sera pour Cerdic.
— Je prie
pour que mon Dieu me donne l’occasion de le tuer, dit Galahad, et il se signa
de nouveau.
— Si le
plan de Merlin réussit, il n’y aura pas de guerre. Juste un massacre mené par
les Dieux. »
Galahad
sourit. « Sois franc, Derfel, réussira-t-il ?
— Nous
sommes ici pour le découvrir », répondis-je évasivement, et il me vint
soudain à l’idée qu’il devait y avoir dans la ville une douzaine d’espions
saxons venus faire la même chose. Ces hommes étaient probablement des partisans
de Lancelot, des Bretons qui pouvaient, sans se faire remarquer, se mêler à la
foule pleine d’espoir qui s’enflait d’heure en heure. Si Merlin échouait,
pensai-je, cela encouragerait les Saxons, et les batailles de ce printemps n’en
seraient que plus dures.
La pluie se
mit à tomber sans discontinuer, j’appelai Gwydre, et nous courûmes tous trois
vers le palais. Le garçon pria son père de lui permettre de regarder la
Convocation depuis les champs proches des remparts de Mai Dun, mais Arthur fit
non de la tête. « S’il pleut comme cela, il n’arrivera rien. Tu ne feras
que prendre froid et alors... » Il s’interrompit soudain. Et ta mère me
grondera, avait-il failli dire.
« Et tu
passeras le rhume à Morwenna et à Seren, dis-je, et elles me le passeront, et
je le passerai à ton père, et toute l’armée éternuera quand les Saxons
arriveront. »
Gwydre
réfléchit une seconde, décida que je blaguais et tirailla son père par la main.
« Je t’en prie !
— Tu
pourras regarder de la salle du haut, avec nous, insista Arthur.
— Alors,
je peux retourner voir l’ours, Père ? Il est en train de s’enivrer et on
va lâcher les chiens contre lui. Je me mettrai à l’abri sous un porche. Je te
le promets. Je t’en prie, Père ? »
Arthur le
laissa partir et je chargeai Issa de veiller sur lui, puis Galahad et moi nous
montâmes dans la salle du haut. L’année précédente, lorsque Guenièvre y venait
encore parfois, cette pièce était propre et meublée d’une manière raffinée,
mais maintenant la poussière et le désordre y régnaient. Guenièvre avait tenté
de rendre à ce bâtiment romain son ancienne splendeur, mais lors de la
rébellion il avait été pillé par les armées de Lancelot et nous n’avions rien
fait pour réparer les dégâts. Les hommes de Cuneglas venaient d’y allumer un
feu et la chaleur des bûches déformait les petits carreaux du sol. Cuneglas s’était
posté devant la grande fenêtre pour contempler d’un air morne, par-delà le
chaume et les tuiles de Durnovarie, les versants de Mai Dun presque
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