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Excalibur

Excalibur

Titel: Excalibur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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n’était qu’une ombre vague dans les ténèbres, une
masse sombre au cœur noir de la nuit. L’obscurité s’épaissit, d’autres étoiles
apparurent et la lune se lança dans une course folle entre les nuages
déchiquetés. Maintenant, le flot des morts franchissait le pont des épées et se
glissait au milieu de nous, même si nous ne pouvions ni les voir ni les
entendre ; ils étaient là, dans le palais, dans les rues, dans chaque
vallée, chaque ville et chaque maisonnée de Bretagne, tandis que sur les champs
de bataille, où tant d’âmes avaient été arrachées à leurs corps terrestres, ils
erraient comme une nuée d’étourneaux. Dian hantait les arbres d’Ermid’s Hall,
et les corps-ombres déferlaient sur le pont des épées pour envahir l’île de
Bretagne. Un jour, moi aussi, par cette même nuit, je viendrai voir mes enfants
et leurs enfants et les enfants de leurs enfants. Pour toujours, pensai-je, mon
âme viendrait errer sur la terre à chaque Vigile de Samain.
    Le vent se
calma. La lune était de nouveau cachée par un grand banc de nuages qui
recouvrait l’Armorique, mais au-dessus de nos têtes, le ciel était plus clair.
Les étoiles, où vivaient les Dieux, flamboyaient dans le vide. Culhwch était
rentré au palais et il nous rejoignit à la fenêtre où nous nous serrâmes pour
contempler la nuit. Gwydre était revenu de la ville, mais au bout d’un moment,
il se lassa de fixer l’obscurité humide et alla voir des amis qu’il s’était
faits parmi les lanciers du palais.
    « Quand
commencera le rituel ? demanda Arthur.
    — Pas
avant longtemps, lui répondis-je. Les feux doivent brûler pendant six heures
avant que la cérémonie débute.
    — Comment
Merlin compte-t-il les heures ? s’enquit Cuneglas.
    — Dans sa
tête, Seigneur Roi », répondis-je.
    Les morts se
glissaient parmi nous. Le vent était tombé et le calme faisait hurler les
chiens de la ville. Les étoiles, encadrées par les nuages ourlés d’argent,
luisaient d’une clarté surnaturelle.
    Puis, soudain,
au sein de l’obscurité cruelle de la nuit, du sommet de Mai Dun aux larges
remparts, le premier feu s’embrasa, la convocation des Dieux avait commencé.

 
     
    Un moment,
cette unique flamme jaillit, pure et brillante, au-dessus des remparts de Mai
Dun, puis le feu se propagea jusqu’à ce que toute la grande cuvette formée par
les talus herbus des murs de la forteresse se remplisse d’une lumière pâle et
fuligineuse. J’imaginai les hommes en train d’enfoncer les torches au cœur des
haies hautes et larges, puis de courir avec la flamme pour la transmettre à la
spirale centrale ou embraser les cercles extérieurs. Les bûchers s’allumèrent d’abord
lentement, le feu luttant avec les branches trempées et sifflantes, mais la
chaleur évapora peu à peu l’humidité et la lueur du brasier devint de plus en
plus brillante jusqu’à ce que l’incendie se fût enfin propagé à tout ce grand
dessin et que la lumière brillât immense et triomphale dans la nuit. La crête
de la colline était maintenant incandescente, en proie aux flammes bouillonnantes,
couronnée d’une fumée rouge qui montait vers le ciel en tournoyant. Les
flambées étaient assez brillantes pour projeter des ombres vacillantes sur
Durnovarie où les rues regorgeaient de monde ; certains spectateurs
avaient même grimpé sur les toits pour mieux contempler la lointaine
conflagration.
    « Six
heures ? me demanda Culhwch, incrédule.
    — C’est
ce que Merlin a dit. »
    Culhwch
cracha. « Six heures ! Je pourrais retourner voir la rouquine. »
Mais il ne bougea pas, et aucun de nous non plus ; nous restâmes à
contempler la danse des flammes sur la colline. C’était le feu d’alarme de la
Bretagne, le terme de l’histoire, la convocation des Dieux, et nous le
regardions dans un silence tendu, comme si nous nous attendions à voir la
descente des Dieux déchirer la fumée plombée.
    C’est Arthur
qui brisa notre tension. « Mangeons, dit-il d’un ton bourru. S’il nous
faut attendre six heures, nous ferions aussi bien de dîner. »
    Le peu de
conversation qu’il y eut durant ce repas porta sur le roi Meurig et la
redoutable possibilité qu’il tienne ses lanciers à l’écart de la guerre
prochaine. Si guerre il devait y avoir, continuais-je à penser, et je ne cessais
de jeter des coups d’œil par la fenêtre sur les flammes qui bondissaient et la
fumée qui tourbillonnait.

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