Excalibur
dissimulés
par un rideau de pluie. « Elle va se calmer, hein ? nous demanda-t-il
instamment lorsque nous entrâmes.
— Elle va
probablement empirer », répliqua Galahad, et juste à cet instant, un coup
de tonnerre gronda au nord, la pluie se déchaîna, rebondissant sur les toits en
clochettes de quatre à cinq pouces. Au sommet de Mai Dun, le bois à brûler se
faisait tremper, mais si seules les couches extérieures étaient mouillées, les
bûches qui se trouvaient au centre resteraient sèches, même après une bonne
heure d’averse, et pourraient lutter contre l’humidité du petit bois ;
cependant, si la pluie persistait durant toute la nuit, la lueur des feux s’avérerait
insuffisante. « Au moins, la pluie va dessoûler les ivrognes », fit
observer Galahad.
L’évêque Emrys
apparut sur le seuil ; son épaisse robe noire était transpercée et
boueuse. Il jeta un regard inquiet sur les lanciers païens, effrayants, de
Cuneglas, puis se hâta de nous rejoindre à la fenêtre. « Arthur est ici ?
— Quelque
part dans le palais, répondis-je, puis je le présentai au roi Cuneglas et
ajoutai que l’évêque était l’un de nos bons chrétiens.
— J’espère
que nous le sommes tous, Seigneur Derfel, dit Emrys en s’inclinant devant le
souverain.
— Pour
moi, dis-je, les bons chrétiens sont ceux qui ne se sont pas rebellés contre
Arthur.
— C’était
une rébellion ? demanda l’évêque. Je croyais qu’il s’agissait d’une folie
suscitée par un pieux espoir, et j’ose dire que Merlin, ce soir, fait
exactement la même chose. Je suppose qu’il va être déçu, comme beaucoup de mes
pauvres ouailles l’ont été l’an dernier. Mais qu’est-ce que va provoquer la
déception de ce soir ? C’est pour cela que je suis venu.
— Qu’arrivera-t-il ? »
demanda Cuneglas.
Emrys haussa
les épaules. « Si les Dieux de Merlin n’apparaissent pas, Seigneur Roi,
qui accusera-t-on ? Les chrétiens. Et qui se fera massacrer par la foule ?
Les chrétiens. » Emrys se signa. « Je veux qu’Arthur promette de nous
protéger.
— Je suis
sûr qu’il le fera de grand cœur, dit Galahad.
— Pour
vous, l’évêque, il le fera », ajoutai-je. Emrys était resté loyal à
Arthur, et c’était un homme bien, même s’il se montrait aussi circonspect dans
ses avis que son vieux corps était pesant. Comme moi, l’évêque faisait partie
du Conseil royal qui était censé proposer une ligne de conduite à Mordred, mais
maintenant que notre roi était prisonnier à Lindinis, il ne s’assemblait que
rarement. Arthur consultait les conseillers en privé, puis prenait ses
décisions, mais actuellement, elles ne concernaient que les préparatifs contre
l’invasion saxonne, et nous étions tous bien contents de laisser Arthur porter
ce fardeau.
Un éclair
zébra les nuages et, une seconde plus tard, un coup de tonnerre éclata, si fort
que nous rentrâmes involontairement la tête dans les épaules. La pluie, déjà
violente, s’intensifia soudain, battant furieusement les toits et faisant
bouillonner des petits torrents d’eau boueuse dans les rues et les ruelles de
Durnovarie. Des mares se formèrent sur le sol de la grande salle.
« Peut-être
les Dieux ne veulent-ils pas qu’on les convoque ? fit observer Cuneglas d’un
ton maussade.
— Merlin
dit qu’ils sont très loin, répliquai-je, alors cette pluie n’est pas leur œuvre.
— C’est
la preuve qu’un dieu plus grand est intervenu, argumenta Emrys.
— À votre
requête ? s’enquit Cuneglas d’un ton acide.
— Je n’ai
pas prié pour faire tomber la pluie, Seigneur Roi, répliqua l’évêque. Si vous
le souhaitez, je peux même prier pour qu’elle cesse. » Et sur ces mots, il
ferma les yeux, étendit les bras, leva la tête, et marmonna. La solennité de
cet instant fut gâchée par une goutte de pluie qui, passant entre les tuiles du
toit, tomba droit sur son crâne tonsuré, mais il termina sa prière et se signa.
Miraculeusement,
juste au moment où la main potelée d’Emrys faisait le signe de croix sur sa
robe sale, la pluie se mit à faiblir. Le vent d’ouest apporta encore quelques
fortes rafales, mais le tambourinement sur le toit cessa soudain et l’atmosphère,
entre notre haute fenêtre et le sommet du Mai Dun, commença à s’éclaircir. La
colline semblait encore sombre sous les nuages gris et l’on ne voyait rien de l’ancienne
forteresse, sauf une poignée de
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